Faits de Société

Mariage: le poids des pressions sociales sur les femmes en Afrique

En Afrique, dès l’approche des 25ans et au delà, les femmes commencent à subir des pressions pour se marier et fonder une famille. Le phénomène, qui peut sembler banal, a des répercussions parfois désastreuses sur la vie des jeunes femmes. Sur la proposition d’une lectrice ayant vécu une de ces nombreuses situations de pression, nous vous emmenons découvrir les contours de ce phénomène social en Afrique.

Définition et explication du phénomène

La pression sociale est définie comme l’influence exercée par un individu, ou par un groupe sur chacun de ses membres, dont le résultat est d’imposer des normes dominantes en matière d’attitude et de comportement.

Autrement dit, c’est une influence qui provient de l’entourage, de la société , qui nous pousse à faire quelque chose, ou à adopter un comportement généralement perçu comme normal, acceptable, ou souhaitable. Ceci, en dépit de nos propres aspirations.

L’influence sociale peut être directe en faisant recours à l’utilisation de suggestions, de demandes (implicites ou explicites), de commentaires ou simplement de regards. Elle peut être indirecte par la répétition du comportement visé, poussant la personne à adopter ce comportement pour se faire accepter de son milieu.

Sur la question du mariage, la pression sociale en Afrique représente tous les moyens utilisés par la société pour pousser les jeunes femmes à se marier. Elle se fait ressentir dès l’approche des 25 ans et continue jusqu’à ce que la femme se marie effectivement.

Elle apparaît sous forme de remarques insistantes provenant de la famille, des amis, des connaissances, des collègues, etc. À l’occasion de réjouissances, il y a ce moment où ce genre de pique provient d’une tante: «-ah et ton petit ami? Il faut te trouver un petit ami hein, il faut que tu te maries » ou « ah il faut que tu t’habille plus comme une femme, la façon dont tu t’habilles ne plaît pas aux hommes »; ou « maquille toi un peu plus, les hommes aiment ça ».

Il y a aussi les moments où ironiquement, “pour blaguer”, on te dit « va te marier, les femmes de ton âge sont déjà dans un foyer », ou « au lieu de faire de longues études, trouve toi un mari ». Pour celles dont l’auto réalisation prime, on leur dit « les hommes n’aiment pas trop les femmes qui sont indépendantes », « tu vas faire peur aux hommes à trop travailler », etc.

Plus la femme prend de l’âge, plus la pression se fait forte. Les sœurs et les cousines se marient, les amies ont des enfants, et chaque occasion est bonne pour rappeler à une femme qui n’est engagée dans aucune relation que sa vie est presque “un échec”.

Origine socio-culturelle

Ces pressions trouvent leur origine principalement dans la représentation socio-culturelle du mariage en Afrique. En effet, le mariage est considéré dans la plupart des sociétés africaines comme le but ultime de la vie d’une femme. Il représente l’objectif le plus élevé à atteindre.

Malgré le développement et une certaine évolution des mentalités, la femme est toujours assimilée au rôle premier de mère et de femme au foyer. Elle est élevée dans le but de trouver un bon mari, être une bonne épouse, et avoir des enfants (voir notre article ici pour aller plus loin). Si bien que, dès l’approche de la période vue socialement comme idéale pour le mariage, on commence à lui faire des allusions, et des suggestions.

Par ailleurs, le statut de femme mariée dans les sociétés africaines est synonyme de respect pour elle-même et d’honneur pour la famille. On respecte la femme parce qu’elle est sous le toit d’un homme, elle a un foyer, et peut être des enfants. La famille est honorée parce qu’ils ont réussi à marier leur fille et qu’aux yeux de la société ils ont bien joué leur rôle de parents.

Une femme célibataire suscite moins de respect de la part de la société, des hommes surtout. C’est stigmatisant, mais c’est une réalité. On comprend pourquoi les proches peuvent mettre la pression pour éviter le “déshonneur”.

La pression pourrait aussi s’expliquer par le fait que le mariage est considéré comme l’expérience du bonheur par excellence dans la vie d’une personne. Pour la famille, les amies, sœurs et cousines qui vivent déjà cette expérience heureuse, elles voudraient que leur sœur, amie, fille… vive la même expérience et soit comblée.

Conséquences

Au vue de l’origine de ces pressions, on peut comprendre qu’elles ne relèvent pas forcément d’une mauvaise intention. Mais quelque soit la forme qu’elles prennent, elles ont des conséquences sur le psychisme des jeunes femmes. Elles sont principalement de deux ordres.

Premièrement, elles causent une douleur morale dont l’intensité varie selon le degré de sensibilité de la personne concernée. La femme peut se remettre en question, du fait qu’elle a l’impression que sa seule valeur se résume à être « la femme de quelqu’un ». On ne cherche pas à savoir ce qu’elle ressent, on ne lui laisse pas la possibilité d’explorer qui elle est, ce qu’elle veut. Mais on la pousse à s’unir à un homme pour répondre à un certain standard de la société.

De façon répétée, les piques, phrases et remarques peuvent vraiment pousser quelqu’un à se dévaloriser, et manquer de confiance en soi, en plus de toute la douleur morale ressentie.

La deuxième conséquence est que les jeunes femmes, pour ne plus subir ce « harcèlement » s’engagent de façon précipitée dans un mariage avec le premier venu. Elles ne prennent pas le temps de connaître leur partenaire, de voir leur compatibilité sur le long terme, et se retrouvent parfois piégée dans une union qui les rend malheureuses. Choisir son partenaire simplement pour accéder au statut de femme mariée, pour répondre aux attentes de sa famille et des autres est grave. Car le jour du mariage, n’est qu’un jour de fête, le vrai mariage dure toute la vie.

C’est ainsi que certaines femmes sont confrontées à des violences conjugales, l’impossibilité de travailler et d’être autonome sur volonté du mari, l’impossibilité de réaliser leurs passions et aspirations car en contradiction avec celles du mari… En somme beaucoup de femmes peuvent se retrouver piégées, et au lieu de jouir d’un mariage heureux, passer le reste de leurs jours a regretter et souffrir. Très peu ont le courage de divorcer car c’est encore une honte plus grande que celle de ne pas se marier du tout.

Apprendre à réagir

Pour les femmes qui subissent régulièrement ce genre de pression, vous pouvez adopter ces quelques habitudes pour mieux gérer:

Avoir des réponses toutes faites aux gens: déjouez les remarques avec humour, ou détournez l’attention par des réponses du style « non je n’ai pas encore quelqu’un, par contre je me suis lancée dans telle ou telle activité, j’ai découvert une passion, j’ai tel projet, j’envisage de … »;

renvoyez la balle à votre interlocuteur: « non je n’ai pas encore prévu me marier, et toi comment ça se passe dans ton couple? Les enfants ?… » Posez beaucoup de questions car souvent, les gens aiment bien parler d’eux même;

faites le tri dans vos relations: entourez vous des personnes qui vous valorisent et vous acceptent telle que vous êtes. Évitez autant que possible les personnes qui ont tendance à revenir sur le sujet, et à vous mettre mal à l’aise;

parlez-en avec les intéressés: essayez de parler à vos proches dont vous ne pouvez juste pas vous défaire, la famille par exemple. Dites-leur ce que vous ressentez, comment ces remarques vous blessent et vous font mal. Parlez-leur de comment vous envisagez ou entrevoyez votre vie, de vos projets. Dites-leur ce que vous pensez du mariage;

essayez de vous détacher du regard des autres et pensez à vous même: c’est le point le plus important . Concentrez-vous sur vos propres besoins, déterminez ce qui est bien pour vous et prenez bien votre temps pour faire votre choix. Le mariage est idéalement un engagement pour la vie. Il doit découler de l’amour et être un choix conscient, éclairé, en dehors de toute pression, ou tout harcèlement. C’est à vous seule de décider quand et avec qui vous voulez vous marier.

Les pressions sociales en Afrique sur le mariage revêtent plusieurs formes. N’hésitez pas partager en commentaires des exemples de ce que vous vivez au quotidien. Elles peuvent aboutir à un manque de confiance en soi ou à un mauvais choix d’union. Pour cela, quelque soit les pressions, vous devez apprendre à développer des stratégies pour les vivre plus sereinement. Et ne pas oublier que vous avez en réalité le dernier mot, car il s’agit bel et bien de votre vie.

Agoodojie!

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