Dossier Spécial Féminisme, Faits de Société

Les luttes des femmes en Afrique pendant et après la colonisation

Il y a 58 ans le 31 juillet 1962, des femmes africaines de tout le continent se réunissaient à Dar Es Salam en Tanzanie sous l’initiative d’Aoua KEITA, cette illustre sage-femme et militante anticoloniale. Le but de la rencontre était de lutter contre le colonialisme au profit d’une Afrique libérée. Cette réunion a conduit à la création de la Journée Internationale de la Femme Africaine ou journée panafricaine des Femmes quelques années plus tard, en 1974 le 31 juillet à Dakar au Sénégal.

À l’occasion de la commémoration de cette journée souvent oubliée, nous avons décidé de faire un petit bond historique afin de vous exposer la participation des femmes dans les luttes anticoloniales en Afrique et leurs combats pour la cause des femmes. En effet, les mouvements féministes ne sont pas récents sur le continent comme beaucoup le croient. Et nous allons le découvrir sous peu.

En Afrique du Nord

En Afrique du Nord, l’occupation européenne ainsi que leur place dans les sociétés arabes étaient au cœur des combats des femmes.

En Algérie, et au Maroc, des associations féminines furent créées et les femmes étaient présentes dans les partis politiques. Elles mirent toutefois leurs combats féministes qui tournaient autour de la polygamie et du port du voile de côté pour se concentrer sur la lutte anticoloniale.

Les Égyptiennes manifestaient au côté des hommes pendant les luttes indépendantistes. Elles étaient présentes dans des partis politiques notamment le WAFT. Ce parti en plus de l’indépendance se battait pour l’éducation des filles et leur présence effective dans la vie politique et sociale du pays.

Elles étaient soutenues par Qasim Amin. Cet homme est appelé le Père du féminisme arabe. Huda Sharawi a créé en 1923   l’Union Féministe Égyptienne. Elle était le symbole de la lutte pour les droits des femmes arabes. Elle a eu l’audace d’ôté son voile en public après la seconde Guerre Mondiale.

Les Égyptiennes réclamèrent leur droit de vote sous la directive de Doria Chafic. Elles ont organisé une manifestation devant le parlement égyptien ou près de 1500 femmes se sont réunies. Elles ont réussi à l’obtenir une semaine après cette manifestation.

Fumilayo Ransome-Kuti

En Afrique Occidentale et Orientale

Dans la partie ouest du continent africain, les femmes  se sont insurgées contre le paiement des taxes et impôts aux autorités coloniales. Au Nigéria par exemple, elles créent en 1946 l’Abeokuta Women’s Union sous la direction de Fumilayo Ransome-Kuti.

Ces femmes se révoltaient contre la colonisation et refusaient de payer des taxes. En effet, les hommes et les femmes devaient payer des taxes séparément. Elles réclamaient aussi leur participation active dans la vie politique du pays, car elles estimaient qu’elles ne devraient pas payer des taxes si elles n’avaient pas leur mot à dire dans la politique locale.

Cette lutte pour une égalité de traitement leur a valu une comparaison avec les suffragettes américaines. Elles ont lancé des pétitions et organisé des marches qui ont fait céder l’administration. Cette association a continué à lutter pour les droits des femmes bien après la fin de la colonisation.

Du côté francophone de l’Afrique de l’Ouest, les femmes togolaises ont suivi l’exemple des Nigérianes. Elles ont organisé des marches contre le paiement des taxes à Lomé. Cette révolte est d’ailleurs considérée comme le coup d’envoi des mouvements indépendantistes au Togo.

Les femmes se sont réunies dans une association éphémère l’Union des femmes de l’Ouest africain sur l’initiative de la Malienne Sira Diop. Le Dahomey, la Guinée, la Halte Volta ou encore le soudan étaient représentés dans cette association.  Elles réclamaient la lutte contre les discriminations entre les hommes et les femmes. Elles veulent africaniser le féminisme occidental, et lui appliquer les spécificités des femmes africaines. De nombreux courants féministes africains sont nés à cette époque.

En Afrique de l’Est elles se sont énormément  investies dans les luttes pour les indépendances. En rejoignant des partis clandestins. Nous avons par exemple le cas de Bibi Titi Mohammed en Tanzanie.

Winnie Mandela

Au Sud de l’Afrique

L’un des combats féministes les plus poignants au sud du continent fut la participation des femmes à la lutte antiapartheid en Afrique du Sud. Les femmes noires étaient extrêmement opprimées. Elles subissaient au même titre que les hommes la ségrégation raciale, mais elles vivaient en plus la misogynie du fait de leur qualité de femme. C’est pour défendre leur cause que certaines femmes ont rejoint le Congrès National Africain.

En 1955 la Fédération des femmes d’Afrique du Sud organisa une marche qui mobilisa 2000 femmes devant le siège du gouvernement à Pretoria. Elles réclamaient leur liberté d’aller et de venir ainsi que celles des hommes noirs. En effet, en 1923 une loi avait imposé l’obligation aux noirs d’avoir un pass pour circuler dans les zones urbaines. Malheureusement, leur manifestation ne porta pas ses fruits.

Le 09 aout 1956, elles organisèrent une nouvelle marche. Celle-ci mobilisa près de 20000 femmes venues de tous les horizons. Elles revendiquèrent l’égalité et l’abolition de l’apartheid. Par la suite, les femmes sud-africaines ont réclamé leurs droits.  Le 09 aout est d’ailleurs devenu le jour des femmes en Afrique du Sud.

Quand on se tourne vers le passé, on se rend compte que les femmes n’ont jamais été en marge de l’évolution de leurs sociétés. Elles se sont autant investies que les hommes. Les combats de ces vaillantes femmes africaines doivent nous inspirer. Nous femmes, pouvons et devons participer plus activement à la vie politique et sociale de nos pays.

Nous ne devrions pas attendre qu’on nous laisse une place, nous devrions simplement nous imposer. Comme le disait Thomas Sankara, « il n’y a de révolution sociale véritable que lorsque la femme est libérée » et « la vraie émancipation de la femme, c’est celle qui responsabilise la femme ».