Il y a un peu plus d’un mois, l’affaire du chanteur malien Sidiki DIABATE a secoué l’Afrique de l’Ouest. Cette triste histoire de violence conjugale a su montrer non seulement la solidarité existante entre les féministes du continent, mais aussi leur volonté de réellement lutter contre ces violences qui pèsent sur les femmes.
Pourtant, pendant que la plupart s’indignaient contre les actes répréhensibles du chanteur, on a pu constater un mouvement inverse sur la toile. Certains trouvaient que l’infidélité de Mariam Sow aka Mamacita justifiait largement les violences d’ordre physique et psychologique que Sidiki lui infligeait. D’autres jugeaient que la jeune femme jouait probablement la comédie à cause de ces activités sur le net. Il y a eu énormément, de commentaires et de réactions essayant de trouver des justifications aux violences subies par Mariam.
Pour certains, elle était responsable de ce qui lui arrivait. Cette culpabilisation des victimes qui est malheureusement très ancrée dans nos sociétés sera donc le sujet de l’article du jour.
La culpabilisation des femmes
Quand une femme s’exprime pour dénoncer une violation de ses droits, il y a de fortes chances qu’on lui demande sa part de responsabilité dans cette violation. Ce fait social se manifeste de plusieurs façons.
Quand une femme est victime de viol par exemple, la société cherche généralement à s’enquérir de comment elle était vêtue, ou de l’endroit où elle se trouvait. Il y existe un code tacite selon lequel quand quelque chose arrive à une femme elle est nécessairement un peu fautive. Un peu comme si ces informations atténuaient ou adoucissaient le viol. Nous en avions discuté dans notre article sur le harcèlement sexuel.
En ce qui concerne les violences conjugales, l’excuse la plus répandue serait que les femmes qui en sont victimes resteraient dans leurs foyers par masochisme.
L’invalidation des femmes
Dans nos sociétés patriarcales, les femmes ne s’appartiennent pas. Dès l’enfance, on apprend certains codes à la petite fille qui sont censés la protéger. Elle doit s’adapter à la société et au fait que son corps, son être ne lui appartient pas. Si elle enfreint l’une de ces règles, elle doit s’attendre à en subir les conséquences.
Cette tendance à invalider ou éteindre l’expression des femmes va beaucoup trop loin. Dans la même période que l’affaire Sidiki DIABATE, une jeune fille avait été tuée pour la simple raison qu’elle eût refusé de donner son contact à un jeune homme. Et même dans ce cas où un meurtre sanglant fut commis, on fait peser sur cette malheureuse la cause de sa mort.
Il en va de même dans le cas des violences faites aux femmes. Les religions, les traditions et la société en générale mettent une pression énorme aux femmes qui en sont victimes. Ces dernières sont souvent obligées de subir les coups pour faire bonne figure. Celles qui ont le courage de s’en aller sont rejetées et celles qui en meurent deviennent des martyrs.
Dans les campagnes de luttes contre le viol ou le harcèlement, le débat se tourne trop souvent vers la tenue des victimes. On oblige les femmes à se vêtir « décemment », bien que cela n’ait jamais empêché le viol. On se focalise beaucoup trop sur les victimes et pas assez sur les potentiels agresseurs. Cette pratique contribue d’ailleurs à la culture du viol qui est déjà fortement ancrée dans la société.
Que faire ?
Il est impératif de réécrire le discours et la façon dont on perçoit les femmes dans la société. Surtout en ce qui concerne les agressions et violences dont elles peuvent être victimes. On devrait cesser de faire croire aux filles qu’elles seront en partie responsables du mal qu’on pourrait leur faire.
On devrait éduquer les enfants dans le respect des uns et des autres. Apprendre aux garçons à respecter les femmes et leurs corps. De prendre un non pour ce qu’il est. Au lieu d’inculquer aux filles comment ne pas se faire violer, on doit apprendre aux garçons à ne pas violer.
Il est important de déconstruire cette culpabilisation qu’on insère dans le mental des jeunes filles dès l’enfance. Elles doivent être pleinement conscientes de leurs droits afin de réagir quand ils sont enfreint. Pour finir, nous la société, devons être plus tolérants et indulgents avec les victimes de violences et d’agressions. On ne le dira jamais assez, elles ne sont pas responsables de ce qui leur est arrivé.
Nous passons un temps fou à apprendre à nos filles à se préoccuper de l’opinion que les garçons ont d’elles. Mais le contraire n’est pas vrai. Nous n’apprenons pas à nos fils à se soucier d’être aimables.
Chimamanda Ngozie Adichie, Nous sommes tous des féministes.