Il y a un scénario classique utilisé par Hollywood pour les films pour adolescents qui sont destinés aux filles. Il s’agit de celui où s’oppose la fille populaire, hyper féminine à l’outsider, qui s’habille comme un garçon, qui lit beaucoup et qui a des passe-temps peu communs. Dans ce genre de films, la fille populaire est généralement stupide, superficielle et ne s’intéresse qu’au luxe, à la beauté et aux garçons. L’outsider quant à elle est intelligente, profonde et n’est pas remarquée par les garçons. Elle est différente, elle n’est pas comme « les autres ».
Vous ne vous êtes jamais demandé pourquoi la fille populaire et l’outsider ne deviennent que rarement amies ? Eh bien ces films renforcent des codes sociaux sexistes qui tendent à envenimer les rapports entre les femmes. Ce genre de message se retrouve partout dans les médias et peut concourir au développement de la misogynie intériorisée.
La Misogynie intériorisée, qu’est-ce que c’est?
Avant d’expliquer la misogynie intériorisée, nous devons revenir sur le concept dont il découle. La misogynie est une haine, un mépris, une aversion exprimée généralement par certains hommes envers les femmes et tout ce qui a rapport à la féminité. Les misogynes sont l’une des formes extrêmes de masculins toxiques. Ils ont des préjugés sexistes, c’est-à-dire basés sur des stéréotypes de genre envers les femmes.
La misogynie intériorisée quant à elle concerne les femmes. Ces femmes ayant internalisé inconsciemment les stéréotypes de genre, exercent un mépris envers les autres femmes, et par ricochet envers elles-mêmes. Elles croient foncièrement en la supériorité du masculin sur le féminin et contribuent à la divulgation de codes sociaux qui les dessert. Elles se croient elles-mêmes supérieures ou meilleures que les autres femmes, qu’elles voient comme une concurrence ou une plaie.
Quelles sont les causes de la misogynie intériorisée?
L’environnement patriarcal dans lequel nous vivons est l’une des causes profondes de la misogynie intériorisée. Les femmes sont en effet constamment mises en compétition pour des raisons malsaines telles que l’attention masculine. Elles grandissent dans un monde qui ne leur est pas favorable et qui essaie de leur faire croire qu’elles sont inférieures aux hommes. Ou que leur pouvoir sur les hommes se retrouve dans le fait de se soumettre à eux.
Cette constante compétition instaurée entre les femmes ne favorise pas des rapports cordiaux entre elles. Certaines développent alors cette haine du genre féminin qu’elles puisent dans la société et redirigent envers les autres femmes ou envers elles-mêmes parfois.
Comment savoir si j’ai intériorisé la misogynie ?
La misogynie se manifeste chez les femmes de deux manières principalement. En premier lieu, nous avons les femmes qui acceptent leur féminité et méprisent les autres femmes. Enfin, il y a celles qui rejettent la féminité et se comparent aux « autres femmes ». Celles-ci développent une hantise pour toutes les caractéristiques que la société accorde à la féminité ; qu’il s’agisse de la façon de s’habiller aux hobbies.
Dans les deux cas, ces femmes ont une faible estime d’elles-mêmes puisque les codes sociaux sexistes ne favorisent pas le développement de la confiance en soi chez les femmes. Dès le plus jeune âge, on nous fait comprendre que nous valons moins que les hommes. Cette diminution de l’importance de la femme s’illustre très bien dans notre contexte africain par cette pratique Fon qui pousse les filles à considérer leurs petits frères comme leurs ainés, peu importe l’écart d’âge qui existerait entre eux.
La culture populaire a donné à ces deux sous-types de misogynie intériorisée des noms. Nous allons faire une petite analyse de ces tropes afin de nous permettre de les reconnaître plus aisément.
Pick Me
Le terme Pick Me vient de l’anglais et signifie choisis-moi. Il est utilisé sur les réseaux sociaux pour désigner la première catégorie de femmes ayant internalisé la misogynie. Ces femmes ont intégré en elles tous les codes sociaux définissant la féminité. Elles sont très féminines, et ont en général toutes les caractéristiques de la femme dite bonne à marier, ce qui est d’ailleurs un idéal pour elles.
Il n’y a évidemment aucun mal à vouloir se marier ou être une bonne cuisinière ou vouloir prendre soin de son époux. Le féminisme veut que chaque femme puisse faire un choix qui lui convient. La misogynie des Pick Me ne s’exprime pas par leurs penchants pour une vie de femme dite traditionnelle, mais plutôt par la façon dont elles opposent leur idéal aux femmes qui ne le partagent pas.
Ces tweets qui avaient pour but de dénoncer ce type de misogynie, illustrent ce phénomène avec beaucoup d’humour.
Vous l’aurez compris, ces femmes vivent pour le regard masculin. Elles montrent qu’elles sont meilleures que les autres femmes et que les hommes devraient les choisir. Dans les cas extrêmes, les Pick Me rejettent l’idée de l’égalité de droits entre les sexes. Elles partagent des blagues sexistes et ne s’en offusquent pas. Elles sont très méchantes avec les autres femmes et culpabilisent les victimes de viols ou de harcèlement sexuel. Certaines n’hésitent pas à user de slutshaming.
I’m Not Like The Other Girls
I’m not like the other girls ou je ne suis pas comme les autres filles, est la seconde catégorie de femmes misogynes. Ces femmes ayant grandi dans cet environnement hostile aux femmes ont très tôt remarqué les stéréotypes de genre. Elles ont alors rejeté les codes sociaux de la féminité. Elles développent un style vestimentaire et des intérêts qui ne sont pas socialement propres aux femmes. Elles cherchent coûte que coûte à se séparer de tout ce qui définit la femme dans la société.
Certaines finissent par avoir le sobriquet de garçon manqué. Ces femmes expriment leur misogynie en s’opposant aux femmes qui apprécient et revêtent les codes sociaux de la féminité. Voici quelques tweets qui nous permettront de mieux appréhender ce phénomène.
Il n’y a bien sûr aucun mal à avoir des passe-temps particuliers ou des styles et goûts différents. La différence rend d’ailleurs ce monde intéressant. C’est plutôt l’utilisation de cette différence pour rabaisser les autres qui est problématique. Ces femmes se trouvent meilleures que les autres parce qu’elles ne se comportent pas « comme les autres femmes. »
Il existe bien d’autres façons d’exprimer sa misogynie en tant que femme. Nous avons utilisé ces exemples afin de mieux appréhender ce sujet délicat et complexe.
Que faire si je suis misogyne ?
La vérité chers lecteurs est que nous les femmes à un moment ou à un autre de nos vies avons toutes exprimé une misogynie intériorisée. Il est très difficile d’évoluer dans le monde dans lequel nous vivons en temps que femme sans en avoir un peu. J’ai également eu mon lot de misogynie intériorisée et je n’en suis pas fière avec le recul. Pendant une partie de mon enfance et de mon adolescence, j’ai méprisé la féminité.
Je rejetais tout ce qui semblait appartenir au genre féminin. J’ai même écrit un essai qui s’intitulait « La fille qui haïssait le rose » où je parlais de mon aversion pour cette magnifique couleur socialement attribuée aux femmes. En la relisant, je me suis rendu compte que je ne détestais pas le rose, mais plutôt ce que la société en faisait.
Je n’aimais pas mon côté sensible alors je restais loin des filles qui laissaient libre cour à la leur. En grandissant, j’ai compris que mon rapport malsain à la féminité découlait d’un manque d’amour pour ma personne.
Alors la première étape pour se débarrasser de sa misogynie est d’apprendre à s’aimer. Il est important que vous développiez votre confiance en vous. Mettez de côté ce que la société dit de vous, plongez dans votre être et découvrez -vous. Apprenez à apprécier chaque parcelle de votre moi et pardonnez-vous vos défauts. La perfection n’est pas humaine. Comprenez que vous avez de la valeur et que vous n’êtes pas inférieure aux autres. Chaque être humain a sa particularité. Développez la vôtre et ayez une foi inébranlable en vous.
Il est ensuite important de donner de l’amour aux femmes autour de vous. Quand nous sortons, nous avons généralement le réflexe de juger les autres femmes : leurs tenues, leurs coiffures, etc. Au lieu de systématiquement entrer dans la critique, travaillez à plutôt remarquer ce que vous appréciez chez les autres femmes. Faites-leur des compliments.
Chacune des femmes inspirantes que nous vous avons présentées jusque-là ont une caractéristique commune : elles croient en toutes les femmes. Nos Femmes Badass nous apprennent qu’il n’y a rien de plus beau que de se valoriser et de valoriser les autres femmes autour de nous. Prenons exemple sur elles !
Soyez patientes avec les femmes qui expriment une misogynie intériorisée. Elles ne sont pas nos ennemies. Le combat contre les stéréotypes de genre est rude. Leur renvoyer de la haine ne les aidera pas à s’en débarrasser.
Je finirai avec cette citation tirée de la chanson Most Girls de Hailee Steinfield qui est un hymne anti misogynie intériorisée.
La plupart des filles, sont intelligentes, fortes et belles. La plupart des filles, travaillent dur, vont loin, nous sommes inarrêtables. La plupart des filles se battent chaque jour, elles sont toutes différentes, je voudrais être comme la plupart des filles.
Hailee Steinfield
C’est sûr que beaucoup d’entre nous on déjà été en pleine mysoginie intériorisée. Et comme le processus de déconstruction est permanent, nous n’en sommes pas encore débarrassées. Mais je pense que ce n’est pas toujours pour se conformer au regards des hommes, parfois c’est juste pour se faire accepter dans la société. Ce n’est pas toujours évident d’agir à l’encontre de la pensée dominante. Parfois, on a juste envie de se faire valoriser. Mais je partage tout à fait le fait qu’il faut garder en tête que les autres femmes sont nos co-combattantes, pas nos ennemies.
Effectivement! Se conformer à la société est aussi l’une des raisons probables de la misogynie internalisée. Merci beaucoup pour le commentaire constructif!
Oui nous devons garder en tête que les autres femmes ne sont pas nos co-combattantes et essayer de construire la sororité de notre mieux, avec les ressources que nous avons à notre niveau.