Le 21 octobre 2021, les députés béninois votent à l’unanimité la loi n°2021 modifiant et complétant la loi n ° 2003-04 du 03 mars 2003 relative à la santé sexuelle et à la reproduction.
Depuis, c’est l’effervescence au pays. D’aucuns crient à un complot de l’occident, d’autres à une brèche pour la dépravation des mœurs et les plus illuminés à la fin du monde.
Parents, guide religieux, personnalité à divers niveaux et jeunes utilisent divers canaux pour montrer leur mécontentement. Le Bénin serait devenu un pays de mœurs légères pour avoir, dans une certaine mesure, dépénalisé l’avortement et ainsi permettre aux femmes de décider pour elles-mêmes.
Qu’est-ce qu’un avortement ?
L’avortement est une pratique qui existe depuis plusieurs générations et ayant été au cœur de plusieurs civilisations. La pratique et les modes d’emploi ont évolué durant le temps et selon les civilisations, mais la finalité demeure la même.
Le dictionnaire décrit l’avortement comme l’expulsion d’un fœtus, d’un embryon pendant la période des 180 jours qui suivent sa conception. De façon générale, un avortement est une interruption prématurée de grossesse. Elle peut être volontaire ou non volontaire.
On distingue plusieurs types d’avortements, à savoir :
- l’avortement spontané ou fausse couche ;
- l’avortement déclenché qui compte :
- l’avortement thérapeutique, quand il s’agit d’une interruption pour raison médicale;
- l’interruption volontaire de grossesse (IVG) quand il s’agit d’un choix personnel.
Dans plusieurs pays du monde dont les pays africains, l’avortement bien que régi par des lois est considéré comme un infanticide. C’est donc une pratique qu’abhorre la société.
Que reproche-t-on à la loi ?
La nuit du 20 au 21 octobre 2021, après plusieurs discussions houleuses et des prises de position contre la proposition de loi, les députés de l’Assemblée nationale du Bénin finissent par voter la nouvelle loi sur la santé sexuelle et reproductive.
Plusieurs arguments ont été avancés pour être pour ou contre ladite loi. Les griefs portés contre la loi se résument, principalement, comme suivent :
- la loi promeut l’infanticide et fait la culture de la mort ;
- la loi est une porte ouverte pour la dépravation ;
- les filles utilisent l’IVG comme une méthode contraceptive ;
- les filles n’auront plus recours à l’abstinence;
- le risque de disloquer des familles ;
- le risque d’avoir beaucoup de femmes stériles, car selon eux un avortement conduit systématiquement à la stérilité;
- la loi serait un complot de l’occident pour réguler les naissances au Bénin ;
- le gouvernement et les députés n’ont pas consulté l’opinion publique avant le vote de ladite loi ;
- cette nouvelle loi va à l’encontre des préceptes religieux ;
- voter une loi pareille, c’est faire la culture de la mort.
Bien d’autres raisons sont évoquées, mais elles ne sont pas assez solides pour changer les choses. Et bien souvent, il s’agit d’arguments infondés.
Quel est l’esprit de la loi ?
Un constat sanglant et une nécessité de protéger des vies
Des statistiques datant de 2018 du ministère de la Santé révèle que 15 % du taux des décès maternels au Bénin a pour cause l’avortement clandestin et 3 avortements sur 4 sont clandestins. D’autres statistiques affirment qu’au moins deux cents (200) femmes meurent par an au Bénin des suites de complications liées à l’avortement clandestin.
Les méthodes utilisées par ces femmes font facilement froid dans le dos :
- cintres;
- ciseaux;
- barres de fer;
- tisanes en tout genre,
- recours à un personnel médical non qualifié, etc.
Elles sont souvent prêtes à tout pour se débarrasser de la grossesse, quitte à risquer leur vie ou la possibilité d’être mère dans l’avenir.
Au regard de ces informations, il serait hypocrite d’affirmer que l’avortement ne se pratique pas au Bénin ou d’accuser la loi d’être une porte ouverte à l’avortement. Loin des allégations qui lui sont portées, cette loi est une aubaine, car elle permettrait de sauver un bon nombre de vies.
L’argument principal des détracteurs de la loi réside dans le fait que cette loi prône un génocide ou la mort des fœtus. La loi se concentre pourtant sur la préservation de la vie des femmes qui se retrouvent dans l’obligation de faire ce choix souvent douloureux pour elles. Elle sauve donc des vies.
Cette loi participera en quelque sorte à la déclandestination de l’avortement, en offrant des soins adaptés et fiables à toutes ces femmes en détresse qui se retrouvent face au choix de l’avortement.
Une loi qui vise l’encadrement de l’avortement
C’est une avancée en matière de droit des femmes. Car, cette loi permettra de lever le tabou lié à l’avortement, tout en donnant l’opportunité à chaque femme de faire des choix pour son bien-être. Les femmes abusées n’auront plus recours à des charlatans ou aux méthodes archaïques quand elles auront recours à l’avortement. Ce qui permettra de sauver plus de vies.
Il faut rappeler que la loi n’est en aucun cas une incitation à l’avortement, mais elle est une réponse à un besoin de santé publique. Les soins de santé de qualité étant un droit, l’État a le devoir de l’assurer à tout le monde. En votant cette loi, l’État permet aux femmes désireuses de se faire avorter de le faire dans de meilleures conditions sanitaires.
De plus, des conditions sont imposées avant toute intervention. Lorsque lesdites conditions ne seront pas réunies, tout médecin a le devoir de refuser la pratique de l’avortement. Un suivi et la prescription d’une méthode contraceptive est obligatoire après l’opération.
En réalité la loi votée représente plutôt un élargissement des conditions pouvant donner recours à un avortement.
Il est clair dans l’esprit de cette loi qu’un avortement n’est pas une méthode contraceptive. Il est d’ailleurs temps que nous mettions plus l’accent et l’énergie sur la vulgarisation des méthodes contraceptives et l’éducation sexuelle afin de limiter les risques.
D’autres problèmes sociaux comme la lutte contre la précarité doivent également être pris en compte pour épargner à certaines de se retrouver dos au mur. N’oublions pas qu’aucune femme n’a recours à l’avortement de gaieté de cœur et que le salut est personnel.
Nous vous invitons donc à la tolérance face à la souffrance des uns et des autres. Chacun est libre de décider de ce qu’il fait de son corps. Mais gardons à l’esprit que cet acte n’est pas une partie de plaisir. Qu’on soit pour ou contre l’acte en lui-même, tous les préceptes religieux et moraux nous recommandent la culture de l’empathie. Ce n’est donc pas le moment de nous lancer dans une chasse aux sorcières.
Prenez soin de vous,
AGOODOJIE!