Femme Badass Du Mois

Younousse Seye: La « première » peintresse sénégalaise

Les femmes noires ont en tout temps été créatrices d’art. Qu’il s’agisse de poteries traditionnelles ou de décoration symbolique de leurs habitats comme cela se fait encore chez certains peuples au nord du Bénin et au Burkina Faso, elles ont toujours eu une place importante dans ce qu’on appelle aujourd’hui l’art primitif africain.

Toutefois, après la colonisation, au moment où l’art contemporain africain naissait, peu de femmes noires ont réussi à briller sur l’échiquier artistique international comme leurs compères.

Bien souvent invisibilisées, enfermées dans des rôles genrés et stéréotypés, leur génie est passé inaperçu. Mais, certaines Africaines ont ouvert la voie à leurs sœurs artistes. Younousse SEYE, notre femme badass du mois, apparaît au premier rang de ces précurseures.

Une artiste née

Younousse Seye, La Danse des cauris, 1974, huile sur toile et collage de cauris, 74 x 61 cm, © Photo : Éditions musées nationaux

Ma mère n’était pas peinture. Elle faisait de la teinture sur les habits. C’est elle qui a attiré mon attention les couleurs, en me disant qu’il fallait regarder le ciel, son environnement, regarder les couleurs, les interroger. Je lui ai dit que je pouvais faire de la peinture, mais pas de la teinture.

Younousse SEYE

C’est en 1940 que Younousse SEYE voit le jour dans la ville de Saint-Louis au Sénégal. À 12 ans, elle devient orpheline de père et passe beaucoup de temps avec sa mère teinturière dont elle observe minutieusement le travail.

Dès son adolescence, la jeune fille se sent attirée par la peinture. Encouragée par sa mère, et son entourage qui sont fascinés par ses œuvres, elle poursuit sa passion. Elle dira que sa mère l’a introduit à la beauté des couleurs, et qu’elle s’est orientée vers les formes avec les couleurs afin de créer des œuvres d’art.

N’ayant jamais mis pieds dans une école d’art, Younousse se forme elle-même. Elle est une fière autodidacte. Elle développe sa pratique autour des cauris, notamment.

La première femme peintre du Sénégal

Le talent de Younousse SEYE sera révélé au grand jour en 1969 au Festival Panafricain d’Alger. Mais avant d’être mise sous les feux des projecteurs, Y. SEYE, s’est infiltrée dans l’univers artistique sénégalais dans un contexte ou les hommes le dominaient.

La peintresse s’est d’abord faite remarquer en tant qu’actrice. Elle a en effet joué dans plusieurs films de Sembène Ousmane. Elle fait ses débuts sur le grand écran dans le long métrage de 1968 Mandabi, un film tourné en Wolof. Ce dernier remporte un prix international au Festival de Venise.

Lors d’une interview de Jeune Afrique sur son travail d’actrice, les journalistes sont subjugués par ses tableaux et les mentionnent dans l’article. Ce dernier fut sa porte d’entrée au Festival Panafricain d’Alger.

Younousse SEYE est alors la seule femme sénégalaise à être connue pour son art, ce qui lui a valu le titre de « Première femme peintre du Sénégal.

L’artiviste africaine originelle

L’art de SEYE se veut politique. Très vite, elle a milité afin que plus de femmes aient leur place dans le monde de l’art. Elle a créé l’Association Internationale des Femmes Plasticiennes avec d’autres femmes artistes afin de mettre en lumière les créations féminines.

Il ne faut pas rester les bras croisés. Quand on réalise qu’on est pionnière, il va falloir tracer le chemin, mais y laisser quelque chose. Il faudrait aussi aider ceux qui viennent après vous, en leur donnant la possibilité de continuer.

Younousse SEYE

Elle milite auprès du président Senghor afin que des femmes soient incluses dans le gouvernement en attirant son attention sur le paradoxe entre la glorification qu’il fait des femmes dans son œuvre et leur inexistence sur la scène politique. Il était impératif pour elle que les femmes aient leur mot à dire dans la gestion de la cité.

En 1978, suite aux plaidoiries de SEYE, Maimouna KANE devenait la première Sénégalaise nommée à un poste politique.

En outre, l’œuvre de SEYE se voulait panafricaniste. Elle y dénonce des problèmes de société sensibles comme l’apartheid.

Un exemple pour les femmes artistes en développement

J’ai découvert Younousse SEYE, il y a peu, dans un magnifique article du Blog artistique ASAKAN sur la place des femmes dans l’art contemporain africain. Elle est la seconde femme noire, précurseure en art africain célèbre que j’ai découvert de façon fortuite.

Aujourd’hui, il y a de plus en plus de femmes noires qui dessinent, peignent, créent. Elles passent pourtant sous silence et sont moins mises en avant que les hommes. Nous, femmes artistes, avons besoin de repères, d’exemples comme Y. SEYE à qui nous identifier. On a besoin d’étudier minutieusement les œuvres de nos prédécesseures, leurs histoires afin de nourrir nos âmes créatrices.

Younousse SEYE est la première Femme Badass Peintre sur AGOODOJIE. Elle ne sera certainement pas la dernière.

Je crois à l’évolution de la femme et à sa participation au devenir de ce continent. Je voudrais que nous autres femmes, nous apportions notre participation effective à tout ce qui se fait de concret dans nos pays. Il ne suffit pas de le crier, il faut le mettre en pratique et essayer de donner une sorte d’homogénéité à notre société.

Younousse SEYE