Dossier Spécial Reines D'Afrique, Femme Badass Du Mois

Hatchepsout: une reine d’exception

Durant toute la période pharaonique qui s’étend sur 3000 ans environ, la liste des pharaons qui se sont succédés ne compte que très peu de femmes. Incarnation divine terrestre et détenteur du pouvoir suprême en Égypte, le rôle de pharaon revenait de facto aux hommes. Mais Hatchepsout, une princesse égyptienne, a su s’élever à ce rang malgré sa condition féminine. Découvrons l’histoire singulière de cette femme pharaon.

Tête d’une statue se trouvant au temple d’Hatchepsout (Deir el-Bahari, Egypte)

Naissance d’une future reine

Hatchepsout est la première fille du pharaon de la XVIIIe dynastie Thoutmosis Ier, et de son épouse Ahmosis. Elle naît entre 1508 et 1495 av. J.-C. à Thèbes, avant l’accession au pouvoir de son père. Son nom signifiant « elle est à la tête des nobles dames » est inspiré à sa mère par la finesse de ses traits, son charme et sa noblesse extrême.

Après la mort de son grand frère Amenmès à un jeune âge, elle devient l’aînée des descendants de Thoutmôsis Ier. Dotée d’une vive intelligence, elle est destinée à devenir reine d’Égypte et à régner sur le royaume, aux côtés de son époux.

Préparée très jeune à tenir ce rôle, elle accompagne son père en pèlerinage pour visiter les plus grands temples du pays. Elle est présentée aux grands prêtres et aux hauts fonctionnaires du royaume. Elle y tisse des relations qui non seulement légitiment sa place, mais lui serviront également pour son accession au trône.

Sa préparation est renforcée par les leçons des précepteurs et la formation par un soldat valeureux ayant servi dans campagnes militaires du pharaon Amenhotep Ier. D’esprit vif, Hatchepsout acquiert une maturité essentielle à son futur rôle.

Statue d’Hatchepsout à Leyde

Accession au trône

Plusieurs des enfants de Thoutmôsis Ier meurent en bas âge. Afin de maintenir la dynastie, il décide de donner Hatchepsout en mariage à son demi-frère Thoutmosis II, fils de sa seconde épouse Moutnéfer. Après la mort prématurée de ses trois frères aînés, Thoutmosis II hérite du trône de son père vers 1492.

Hatchepsout règne alors au côté de son époux. Elle assume son rôle de grande épouse royale et reçoit plusieurs titres « la princesse héréditaire, grande de faveurs, la favorite, souveraine du Double Pays » en plus de ses titres personnels : « Fille royale, sœur du roi, épouse divine, souveraine de tous les pays » que l’on retrouve gravés sur son sarcophage.

De leur union naît une fille, Neferourê. Mais elle n’aura jamais d’héritier mâle. Lorsque son mari meurt vers 1479, la couronne passe entre les mains de son fils Thoutmosis III, né d’une concubine du nom d’Isis. Thoutmosis III étant encore un nourrisson, Hatchepsout assume la régence. C’est le début de son ascension politique.

La reine qui devint roi

Pendant les premières années du règne du tout jeune enfant, tout se déroule suivant une régence classique. Hatchepsout conserve son titre de grande épouse royale ainsi que ses attributs de représentation : la longue robe fourreau, la couronne de reine et les deux hautes plumes.

Mais peu à peu, son association au pouvoir du jeune roi se fait de plus en plus présente. Elle l’accompagne en toutes occasions officielles, se représente à ses côtés sur les stèles et dans les textes officiels. Son crédit auprès des prêtres et des scribes ainsi que la légende de son ascendance divine persuadent la population qu’elle occupe la même fonction royale que pharaon. Ainsi, sans jamais remettre en cause les droits du jeune roi, règne-t-elle de manière effective.

Au bout de 7ans, elle se fait couronner pharaon et reçoit la titulature royale. Dans ses représentations officielles, elle délaisse de plus en plus sa tenue de reine-pharaon et aborde le pagne court, la coiffe et la barbe postiche de pharaon. Elle se fait alors appeler Maâtkarê, roi de Haute et Basse-Égypte.

Statue d’Hatchepsout, temple d’Hatchepsout, Deir el-Bahari, nécropole thébaine, Égypte

Il faut noter cependant qu’Hatchepsout ne rejette en rien sa nature féminine, puisque les textes la désignent toujours comme femme.

Une gouvernance riche

Sous son règne, elle arrête la politique expansionniste de ses prédécesseurs, mais développe le commerce et favorise la paix. Elle fait restaurer les temples mis à mal par l’invasion et l’occupation hyksôs. Elle s’assure du soutien du clergé, et étouffe une rébellion en Nubie.

Elle organise un voyage au pays de Pount (actuelle Éthiopie) d’où les navires égyptiens reviennent chargés de trésors et de matières premières d’exception : ivoire, ébène, myrrhe, encens, arbres, etc. Elle augmente ainsi la richesse de son pays.

Elle est l’un des rois bâtisseurs ayant laissé le plus d’œuvres en Égypte. Elle initie plusieurs centaines de projets. La production d’effigies royales atteint des sommets. Temples, chapelles, tombeaux, palais reçoivent statues et décors à l’image de la reine-pharaon. L’une de ses plus belles réalisations est sans doute son temple mortuaire creusé dans la vallée des rois.

Temple d’Hatchepsout, Deir el-Bahari

Oubli et mémoire de la reine pharaon

Après son règne, Thoutmôsis III et son successeur Thoutmosis IV détruisent une partie des cartouches d’Hatchepsout. Ils remplacent son nom et ses représentations par les leurs. Ses statues en pharaon sont mutilées et son nom effacé du registre des rois. Elle n’y figure même pas comme reine régente ou grande épouse royale.

Tout fut mis en œuvre pour que son nom et son règne tombent dans l’oubli. Mais ils ne purent effacer toutes ses traces et son histoire put être reconstituée des siècles plus tard.

Damnatio memoriae d’Hatchepsout censored au Temple de Deir el-Bahari.

Hatchepsout est l’une des figures les plus emblématiques et énigmatiques du nouvel empire égyptien. Née princesse, destinée à être reine, elle force le destin pour se hisser au rang de reine-pharaon, le plus haut poste de pouvoir à son époque.

Jusqu’aujourd’hui on ne comprend pas les raisons l’ayant motivé à porter les attributs masculins, mais elle a régné pendant 22 années où elle a apporté la paix, la prospérité, la richesse, et le développement à son pays.

Elle a laissé aux futures générations des traces palpables de son existence et de sa pro activité. Bien qu’on ait tenté de l’effacer de la mémoire collective, on peut admirer son histoire et ses œuvres dans de nombreux musées aujourd’hui.

Créant la fascination, elle a fait l’objet de nombreux livres scientifiques dont 12 reines d’Égypte qui ont changé l’histoire de Pierre Tallet; ou encore La Reine Hatchepsout – Sources et Problèmes de Suzanne Ratié. Elle est le sujet de romans comme Child of the Morning de Pauline Gedge (La Dame du Nil en français); et même de mangas tels que Reine d’Égypte de Chie Inudo. Son nom fut donné à un astéroïde découvert en 1960 et l’on ne compte plus les documentaires à son sujet

Tome 1 du manga Reine d’Égypte

Hatchespout par son intelligence, son caractère, sa vision avant-gardiste, et son sens de la diplomatie, a réussi l’exploit d’être parmi les 5 seules femmes pharaons de l’histoire d’Égypte. C’est une reine d’Afrique qui nous inspire et c’est pour ça qu’elle est notre femme badass du mois.

Agoodojie!