L’année dernière, nous avons tous été heureux de voir des femmes noires sacrées femmes les plus belles du monde. Mais pour que la Jamaïcaine Toni-Ann Singh puisse un jour porter cette couronne, il a fallu qu’une femme noire ouvre le chemin pour les autres. Le contexte historique est l’année 1970. Les mouvements féministes commencent à vraiment se faire remarquer en Europe. L’apartheid bat son plein en Afrique du Sud, et cela se manifeste par la présence de deux candidates représentant ce pays au concours, une femme noire, et une femme blanche. C’est dans ce climat déroutant que Jennifer Hosten, caribéenne est couronnée femme la plus belle du monde. Ce mois-ci, notre Femme Badass est une reine de beauté, mais pas que. Nous vous invitons à découvrir avec nous, son histoire.
Les prémices d’un couronnement
Jennifer Joséphine Hosten est née le 31 octobre 1947 à St George la capitale de la Grenade, une magnifique île des Caraïbes. La petite Jennifer rêve d’être une animatrice radio. Elle poursuit alors ses études académiques en journalisme à la BBC de Londres, mais finit par devenir hôtesse de l’air à la British West Indies Airways, faute de pouvoir exercer le métier de ses rêves. C’est dans l’exercice de ses fonctions qu’elle rencontre Evan Wong, Miss Guyane qui l’encourage à représenter son pays la Grenade au concours Miss Monde. Tel un coup du destin, Jennifer se rend compte quelque temps après que son pays organise un concours de beauté afin de trouver une représentante pour ledit concours. Elle s’y rend et obtient son ticket d’entrée pour Miss Monde.
Une rude compétition
À cette époque, la Grenade était encore sous domination britannique. Elle n’a obtenu son indépendance que quatre ans plus tard. Jennifer avait décidé de participer à ce concours de beauté afin d’apporter de la lumière sur son pays. Contrairement à d’autres candidates, la jeune femme alors âgée de 23 ans n’avait pas beaucoup d’expérience en la matière. Ses objectifs étaient de faire connaître son pays et de gagner de l’argent si jamais il arrivait qu’elle soit élue.
Il n’y avait que deux candidates noires parmi les 58 participantes. Jennifer et la représente noire de l’Afrique du Sud, Pearl Janssen. Les deux femmes savaient qu’il y avait peu de chances qu’elles aillent loin dans la compétition. Cependant, Jennifer avait une foi inébranlable en elle et en ses capacités. Guidée par son patriotisme, elle donna le meilleur d’elle-même pendant toutes les phases du concours. Bien qu’elle ne fût la favorite du public.
Le concours Miss Monde de cette année-là était dans l’œil du cyclone des revendications féministes. En effet, un groupe de militantes s’y sont infiltrées afin de protester avec raison contre cette compétition qui jugeait les femmes comme « du bétail ». Des années plus tard, Jennifer confiera qu’elle partageait les revendications féministes comme l’égalité des chances et des salaires. Cependant, même si certaines phases du concours pouvaient réellement donner l’impression d’une objectification des femmes, sa volonté de bien représenter son pays était la seule chose qui comptait pour elle. Elle se sentait également honorée de représenter les femmes de couleurs à qui ce genre de concours était difficile d’accès.
Elle a séduit les membres du jury avec sa grâce, son intelligence et son éloquence. Elle est devenue la première femme noire élue Miss Monde, suivie de prés par Pearl Janssen qui fut sa première dauphine. Le film Misbehavior (Miss Révolution), sorti cette année retrace d’ailleurs ces événements marquants.
L’après Miss Monde
Le sacre de Jennifer fut un choc pour énormément de monde. La jeune femme subit violemment le racisme. Beaucoup exigèrent un recompte des points. Certains justifièrent sa victoire avec des remarques racistes. Cependant, la jeune femme fut bien accueillie par son pays. Elle est devenue une fierté nationale. Après une année à remplir ses obligations en tant que Miss Monde, elle travailla quelque temps pour Air Canada.
Après son mariage avec le Canadien David Craig, elle reprit ses études et obtint un master en sciences politiques et relation internationale, mue par son patriotisme. Elle devint Haute-Commissaire de la Grenade auprès du Canada en 1978 et représenta dignement son pays au Canada jusqu’en 1981. Elle a également été conseillère technique au commerce auprès de l’Organisation des États des Caraïbes orientales (OECS).
Aujourd’hui, Jennifer Hosten est détentrice d’un master en psychologie obtenu en 2011. Elle est aussi l’auteur de plusieurs œuvres dont une, à visée académique, The Effect of a North American Free Trade Agreement on the Commonwealth Caribbean. Elle a à son actif une autobiographie, Beyond Miss World. Elle vit à St Lucie.
S’il y a une leçon que nous devons tirer de l’histoire de Jennifer Hosten, c’est qu’il faut toujours avoir foi en soi même quand tout semble aller contre nous. C’est cette inébranlable confiance en soi qu’elle avait qui lui a permis de marquer l’histoire. Avec la foi, on peut changer le monde. C’est la raison pour laquelle nous avons décidé de faire d’elle la Femme Badass de ce mois.