Le roi GUEZO est un monarque que l’on ne présente plus. Il a régné sur l’illustre royaume du DANXOME de 1818 à 1858 et est célèbre pour sa « Jarre trouée ». Quand on parle de ce souverain, on se laisse émerveillé par les récits du coup d’État par lequel il a pris le pouvoir et des guerres qu’il a menées. On s’extasie devant sa force herculéenne qui lui a permis de vaincre un buffle à mains nues. On admire comment il a su relever l’économie du royaume grâce à la culture et à l’exportation de l’huile de palme et du tabac.
GUEZO était en effet un souverain doté de nombreuses qualités. Cependant, bien souvent quand on l’évoque on occulte son lien avec la femme et les actions qu’il a menées pour accentuer sa consécration dans le royaume. Nous avons choisi le Roi GUEZO pour ouvrir le bal des Hommes Badass du mois. Nous vous invitons à découvrir pourquoi dans les lignes qui suivront.
Un lien maternel très fort
Le prince GAKPE qui deviendra plus tard le roi GUEZO a essentiellement été élevé par sa mère, Nan AGONTIME. Le roi AGONGLO, père de GAKPE, est mort avant que ce dernier n’atteigne l’âge de 10 ans. Son frère ainé, ADANDOZAN ne portant pas son frère dans son cœur n’accorda aucune attention à ce dernier. Gakpé grandit donc sous les soins et la tutelle de Nan AGONTIME. Il était extrêmement proche de sa mère et lui vouait un immense amour. Des années plus tard, cette dernière fut malheureusement vendue par le roi ADANDOZAN comme esclave et fut déportée au Brésil.
Le prince GAKPE chagriné entra dans une colère noire qui fut l’un des motifs qui le poussèrent à organiser un coup d’État et à arracher le pouvoir à son frère. Devenu Roi, GUEZO demanda à son ami Francisco CHACHA de SOUZA de se rendre au Brésil afin de ramener sa mère dans le royaume. Le triste sort qu’a subi Nan Agontimè a conduit notre souverain à la conclusion qu’il était impératif pour les femmes de savoir se défendre et d’avoir un impact plus poussé dans les affaires du royaume.
La restauration des AGOODOJIE
La reine TASSI HANGBE était à la base du corps des AGOODOJIE, ces femmes guerrières qui défendaient le royaume du DANXOME. TASSI HANGBE la reine guerrière avait l’habitude de s’entourer de femmes pour se battre. Quand celle-ci dut abdiquer, son successeur, le roi AGADJA essaya tant bien que mal de continuer à faire combattre les femmes, mais peu à peu, les femmes soldats tombèrent dans l’oubli.
Le roi GUEZO affectionnait particulièrement TASSI HANGBE la souveraine déchue. Cette affection était manifestement partagée, car cette dernière lui apparut en songe et lui demanda de lui offrir des libations et des honneurs normalement destinés aux souverains masculins. Ce dernier répondit non seulement favorablement à la demande de la Reine défunte, mais il restaura symboliquement son palais en dépit du fait qu’elle fut bannie de la lignée royale.
Avec l’aide de son épouse, Nan ZOYINDI, il conçut les plans de la restauration des AGOODOJIE. Avant GUEZO, les femmes soldats étaient dirigées par des hommes. Un dicton Fon disait « nyonou non gni gaou ah » ce qui signifie littéralement, la femme n’est pas générale d’armée. Cependant, inspiré par les prouesses guerrières de TASSI HANGBE et par la bravoure et la force de son épouse ZOYINDI, GUEZO décida d’autonomiser le corps des AGOODOJIE. L’armée devint entièrement constituée de femmes, des généraux aux soldats. L’armée du DANXOME telle que nous la connaissons est donc une réalisation de GUEZO et ZOYINDI.
L’initiation des femmes aux arts guerriers était en outre un moyen de leur permettre de s’autodéfendre face aux agressions masculines.
Une révolution politique
Outre la restauration du corps des AGOODOJIE, le roi GUEZO fut à l’origine d’un bouleversement politique. En effet, à partir de son règne, les femmes ont occupé une place beaucoup plus importante dans l’organisation politique du royaume. Il a en premier lieu élevé son épouse ZOYINDI au rang de reine, lui donnant ainsi la possibilité d’avoir un mot à dire en ce qui concernait les décisions dans le royaume du DANXOME. Avant notre souverain, les reines mères ou matriarches n’étaient célébrées qu’après leur mort. Avec l’élévation de ZOYINDI, les matriarches ont commencé à régner au côté de leurs époux en tant que conseillères du roi.
Il a également été à l’origine du dualisme qui existait au DANXOME et qui consistait en ce que chaque ministre ou grand dignitaire ait son équivalent féminin. On peut d’ailleurs observer ce dualisme dans d’autres monarchies d’Afrique de l’Ouest comme le royaume ASHANTI. En outre, la trésorerie du royaume était confiée à des femmes parmi lesquelles on pouvait retrouver la mère du roi ou sa première épouse.
Le roi GUEZO était un souverain remarquable. Intelligent, fort et stratège il a su diriger le royaume du DANXOME, d’une main de maître. Mais si nous avons décidé de faire de lui l’Homme Badass de ce mois, c’est parce qu’il a compris que le développement de son peuple ne pourrait se faire sans les femmes. C’est sous son règne que le DANXOME a connu une fulgurante évolution économique. Aujourd’hui, on ne saurait nier le rôle que les femmes ont joué dans cet avancement.
Bonjour, bonjour, j’aime beaucoup votre blog!
MAIS ATTENTION, le Roi Ghézo est injustement vu comme un grand réformateur alors qu’il a usurpé nombre de ses accomplissements, notamment sa politique guerrière et sa politique économique basée sur l’agriculture. Francisco de Souza que vous vous mentionnez est un grand esclavagiste qui a poursuivi la traite des esclaves Noirs au Brésil après son interdiction. Ghézo est un esclavagiste aussi qui a donné beaucoup de pouvoirs à de Souza dans le but de s’enrichir. . A dandozan a fait vendre la mère de Guézo, Agontime qu’on présente abusivement comme une victime, justement en protestation contre sa volonté de poursuivre la traite des esclaves. Adandozan voulait aussi libérer son pays du tribut d’Oyo. Avec la propagande ignoble de Ghézo, rien ne dit que ce n’est pas lui qui a « restauré » le corps des Agoodji.. En tout cas, Guezo est loin d’être un grand roi, au ontraire, il a alissé son pays se faire détruire de l’intérieur par la traite négrière . Sophie Adonou, une romancière qui a aussi écrit sur Tassi Hangbe rétablit quelques vérités : https://www.amazon.fr/ADANDOZAN-PLAIDOYER-POUR-ROI-BANNI/dp/1073326160 ,
La parité hommes/femmes au Dahomey est apparue sous un long processus. Il peut dater avec Hangbe , qui l’aurait mis en place parce qu’elle a régné conjointement avec son frère du fait de sa gémellieité. C’est elle, mais c’est pas sûr qui aurait initié les femmes à faire des métiers d’hommes, selon certaines traditions. (à prendre avec des pincettes toutefois : en effet, les agoodji existaient déjà en forme de « garde prétorienne » dès l’apparition du royaume). Il ne faut pas oublier non plus que la division sexuelle du travail en Europe et en Afrique de l’Ouest(et plus) est très différente: les femmes ouest africaines sont naturellement des potières, des céramistes, des tisseuses, des forgeronnes, des commerçantes, chose impensable pour un Européen de l’époque. C’est pareil, les premières guerrières sont nommées Gbeto, c’est à dire en fon »chasseur » ce qui sous entend que des chasseurs et chasseresses existaient indéfiniment chez les Proto Fons et futurs dahoméens et que ca a perduré un certain temps. Et il y a toujours eu autant de prêtres et prêtresses vaudou . La Kposi , la femme préférée du Roi était en charge du trésor, des clefs du royaume bien avant Guézo, mais cela a été interdit par Tegbessou parce que sa Reine l’avait trahi. les Kpojito ou Reine mère étaient importantes dès Adonou, la femme du fondateur Hwebedja , en atteste le règne d’Hwanjile , femme très puissante sous Tegbessou : https://en.wikipedia.org/wiki/Hwanjile. Enfin, des femmes guerrières sont signalées dans les traditions orales sous les règnes d’Agadja et de Kpengla; Les fameuses guerrières ne sont tombées dans l’oubli que quand les grandes conquêtes dahoméennes ont décliné. Il se peut donc que des leaders aient existé bien avant la mise en place de Ghezo. De plus, des Kpojito qui combattaient en tant que chefs des Agoodji sont attestées bien avant le règne de Guézo(source le Hérissé, un voyageur français). Je pense très sincèrement que le dualisme.parité au Dahomey est plutôt du à « l’activisme » et au combat des femmes du roi ou « ahosi » c’est à dire servantes du Roi à force d’exercer des activités manuelles et artisanales poussées , de participer au débats politiques parce qu’elles éthttps://journals.openedition.org/afriques/1632aient quasiment les seules à être autorisées au sein du Palais:
Vous l’avez compris , Guezo n’a fait que suivre ou reprendre des traditions parce que la situation l’exigeait, et non parce qu’il a été un grand visionnaire et féministe. Bien au contraire; , il a été un esclavagiste et a freiné l’évolution naturelle du Dahomey en plaçant un criminel et un corrompu à un haut poste. Malheureusement, tous ces malentendus perdurent, et je crois qu’il va même impacter le film Woman King qui sort bientôt.
Coucou Sybilleshaade, nous tenons déjà à te remercier pour ton soutien ! J’ai lu avec beaucoup d’attention tes messages et je te remercie pour ton apport ! C’est intéressant de voir que les dynamiques d’insertion de la femme dans les instances de pouvoir ont une longue histoire et c’est d’autant plus intéressant de voir qu’elles n’y sont pas totalement étrangères non plus. Je vais certainement creuser un peu plus en ce qui concerne Hwanjile, les Kpojito ou encore l’activisme des Ahosi. Toutefois en ce qui concerne les faits ADANDOZAN-GUEZO, l’histoire semble très emmêlée. Nous avons utilisé comme source un article de l’historien et ethnologue Jean Yves ANEZO intitulé Les femmes guerrières du DAHOMEY. Nous avons également utilisé des sources orales de personnes ressources de la cour royale d’Abomey. Nous n’avons pas usé de l’œuvre de Sophie ADONON parce que nous recherchions des sources historiques et que cette dernière est une romancière talentueuse ! Nous préférons donc nous en tenir aux informations officielles. Même si le Roi GUEZO n’a fait que perpétrer les œuvres de ces prédécesseurs, c’est quand même sous son règne que cette dualité s’est « officialisée ». Néanmoins, nous jetterons un coup d’œil au Plaidoyer de Sophie ADONON.
Même si en raison de nos sources, je ne partage pas forcément ton avis, ton commentaire est une vraie mine d’informations et donne matière à réfléchir. Nous continuerons à creuser et qui sait, la vérité éclatera. Merci encore pour ton apport !
Merci pour ton commentaire! Effectivement, Sophie Adonou est une romancière mais son texte sur Adandozan n’est pas un roman mais un essai historique appuyé sur des documents historiques rigoureux et des traditions orales. Elle a aussi écrit un essai sur Tassi Hangbé : https://www.amazon.fr/MONARQUE-HANGB%C3%89-PAN%C3%89GYRIQUE-lactuelle-R%C3%A9publique/dp/1074754026 , la vraie créatrice du corps des Agoodjis et de l’émancipation des femmes : https://citoyen229.org/tassi-hangbe-comment-restaurer-la-memoire-dune-reine-oubliee-de-lhistoire/ . (Le métier de potière par exemple est un métier féminin dans toute l’Afrique de l’ouest, et ce bien avant le XIXème siècle.). Il y a aussi une campagne de réhabilitation pour le Roi Adandozan qui a abouti : http://news.acotonou.com/h/116526.html . Effectivement, son ,nom a été effacé de l’histoire par Ghézo et il a entrepris une campagne de calomnie contre lui. (c’est pourquoi la cour royale d’Abomey, héritière de Guézo, ne l’apprécie pas, et n’oublions pas qu’il y a eu de graves différents au sein de cette cour royale , ce qui aboutit forcément à des visions biaisées de l’histoire). En ce qui concerne les finances, les femmes en avaient le pouvoir au moins jusqu’à Tegbessou , c’est attesté par le Hérissé, un « historien colonialiste » : vous pouvez aussi consulter son livre, avec tout le recul nécéssaire. En ce qui concerne la formation des Agoodji, il me semble qu’Anezo lui même admette que les femmes guerrières étaient employées dès Agadja , et que les traditions orales des Ouemenou les mentionnent. Dans tous les cas, c’est bien possible que Ghezo soit le réel innovateur en ce qui concerne la parité au niveau des affaires politiques dahoméennes(il n’existe pas de sources antérieures sûres et valables), mais il faut différencier aussi deux choses : il se pourrait que Ghezo ait institutionnalisé les fonctions des femmes de manière « occidentale » , c’est pourquoi les commentateurs de l’époque ont commencé à les prendre en compte parce que ca correspondait à leur vision d’organisation de l’armée et/ou du gouvernement. Il est aussi possible que Ghezo soit un vrai féministe(il n’est pas obligé d’avoir toutes les tares). Dans tous les cas, des puissances féminines comme la Kpojito existaient déjà avant lui.(on retrouve Toutefois, je pense que la condition féminine au Dahomey est un long processus qui a connu des évolutions puis des régressions mais qui n’est pas forcément du à l’humanisme et au progressisme d’un seul homme.
On retrouve le système de Reine Mère/kpojito aussi chez les Ashanti :
Enfin, si il est important de signaler chez Ghézo quelques mérites, il est aussi important de bien comprendre l’antagonisme entre Ghézo et Adandozan, car Ghezo a placé et mis au pouvoir l’un des pires esclavagistes de la traite négrière et a fait baser l’économie du pays sur la traite négrière(c’est dans son discours) , de Souza : https://fr.wikipedia.org/wiki/Francisco_F%C3%A9lix_de_Souza au moins jusqu’à l’abolition effective, rompant en fait avec les premières intentions dahoméennes. Effectivement, selon les sources , chacun fera son avis sur l’histoire du Dahomey, mais je pense que certaines figures sont trop mises en avant , notamment celle de Ghézo. on a quand même transformé Chacha en mythe alors que c’est un négrier. Je dévie un peu, il me semble.
L’histoire des Agoodjis et des femmes en général au Dahomey est très riche , passionnante et intéressante mérite évidemment toute notre attention : https://journals.openedition.org/afriques/1632#tocto2n2.