Dossier Spécial Reines D'Afrique, Femme Badass Du Mois

Un rossignol à la tête du DANXOME

 (SPOILER ALERTE, C’ÉTAIT UNE FEMME.)

    Comme vous le savez tous, le plus prestigieux des royaumes du Bénin pré colonial était l’incontournable royaume du DANXOME. Mais saviez-vous qu’il a eu en fait quatorze souverains dont l’un était une femme ? Il s’agit de TASI HANGBE la jumelle du Roi AKABA, fille du Roi HWEGBADJA et de Nan ADONON.

    POURQUOI LE NOM HANGBE ?

    HANGBE signifie littéralement « la voix de la chanson » en effet, depuis son enfance, notre Reine avait comme passion la musique et chantait admirablement bien. Quand leur père vivait encore, les futurs Rois AKABA et AGADJA avaient pour habitude de se réunir chaque soir afin discuter et de jouer au tam-tam. Leur sœur même si elle ne participait pas à leurs discussions venait de temps à autre les égayer de ses chansons. Les soirs où elle était absente, ils l’envoyaient chercher en lui donnant le sobriquet de HANGBE, appellation qui lui est restée.

    COMMENT ACCÉDA-T-ELLE AU TRÔNE ?

     Quand HWEGBADJA mourut, ce fut au tour d’AKABA de monter sur le trône. HANGBE s’étant mariée à un notable d’une contrée proche du DANXOME, DOKPA, elle revint auprès de son frère pour assurer son rôle de jumelle. En effet dans la coutume, les jumeaux sont vénérés et même déifiés. On ne peut accorder un honneur à l’un et oublier l’autre. Ainsi quand AKABA fut intronisé, HANGBE reçut aussi tous les honneurs dus à un Roi. Elle s’asseyait à la droite de son frère et l’aidait à diriger le royaume ; elle participait activement aux guerres tant dans la prise de décisions que sur le champ de bataille. HANGBE avait toujours été très héroïque. Elle fut la première amazone du DANXOME et l’instigatrice de ce corps de combattantes. Elle avait toutes les qualités qui caractérisaient les monarques du DANXOME : artistique et guerrière. Ces agissements, rares chez une femme dans le temps lui valurent après sa mort une chanson l’évoquant dans le culte Vodoun NINSOUXWE dont le vers le plus signifiant dit qu’elle était une femme qui posait des actes d’hommes : 《gnonu wa nu glè gbè sunu do houn》. AKABA mourut assez tôt d’une variole au cours d’une de ses campagnes militaires contre les WEMENU. HANGBE continua la guerre contre ces derniers et mena les troupes danxomenu à une victoire écrasante. Le DANXOME venait de perdre un Roi, mais se retrouva avec une Reine qui assura la continuité de la régence malgré sa qualité de femme grâce à ses privilèges de jumelle : HANGBE vivante, la disparition de son frère ne constituait pas une mort totale et son règne n’était donc pas terminé. 

    LES CIRCONSTANCES DE SON ABDICATION ?

    Bien qu’étant une dirigeante sage, HANGBE comme on pouvait s’y attendre n’a pas fait l’unanimité. En effet, son frère DOSU futur AGADJA s’indigna qu’une femme fût sur le trône. Il conspira avec les dignitaires du royaume afin de pousser HANGBE à lui laisser le pouvoir, car selon lui une femme ne pouvait diriger cette race de guerriers. Il fit répandre des rumeurs selon lesquelles HANGBE introduirait ses amants Yoruba dans le palais et leur divulguerait des secrets d’État. Quand on sait qu’à la mort de HWEGBADJA les jumeaux avaient un âge très avancé, il est difficile de croire à ces ragots. Il poussa le vice jusqu’à faire tuer le fils de HANGBE sous de fausses accusations. Cette dernière finit par rendre le pouvoir en abdiquant en sa faveur devant le Conseil du trône, ayant compris que son frère ne reculerait devant rien pour l’évincer. Elle a régné en tout pendant trois ans.

    L’ENSEIGNEMENT POUR LA POSTÉRITÉ ?

    HANGBE est un véritable symbole du féminisme et un exemple pour les femmes aujourd’hui. Elle aurait pu rendre le pouvoir dès la mort de son frère, mais elle a ignoré les diktats de son temps et a dirigé le royaume avec une main de fer et aussi bien, sinon mieux qu’un homme. Elle avait des aptitudes pour diriger alors elle a su exploiter ses talents pour faire évoluer son royaume. Elle a aussi donné une place de choix aux femmes pendant son règne à une époque ou elles n’avaient aucun pouvoir décisionnaire. Elle nous enseigne que peu importe le secteur qui l’attire, politique, économique ou sociale une femme peut faire autant qu’un homme. Et je conclurais sur cette citation de Michelle OBAMA 《il n’y a aucune limite à ce que nous pouvons accomplir en tant que femmes》. Alors pour que HANGBE  ne quitte jamais nos mémoires, ne pensez-vous pas que son histoire mériterait une adaptation cinématographique digne de ce nom ?

    Sources historiques 

    • Fresques Danxoméennes, Jérôme C. ALLADAYÈ
    • Louis Mesmin GLÈLÈ, doctorant en lettres modernes 

        source photo: Internet 

        Laisser un commentaire