Il vous est sûrement déjà arrivé sur les réseaux sociaux, de tomber sur une photo ou une vidéo exposant la nudité d’une femme ou la montrant en plein acte sexuel.
Depuis peu, ceci est devenu chose courante sur la toile béninoise. Bien que cela soit une violence envers la femme, l’opinion publique ne partage pas cet avis, rejetant la culpabilité et l’opprobre sur les victimes.
En cas de divulgation de contenu du genre, beaucoup se jouent les moralisateurs et moralisatrices, d’autres se contentent de regarder et de passer à autre chose, d’autres discutent des performances des protagonistes et d’autres le rendent virale en partageant.
Mais à vrai dire, savez-vous au fond de quoi il s’agit, et ce, à quoi ça vous engage juridiquement de rendre virales de telles photos et vidéos ?
Dans cet article, nous abordons le sujet en nous basant exclusivement sur les femmes.
Le » Revenge porn « , c’est quoi ?
Selon Wikipédia, le » Revenge porn » encore appelé sexting ou pornodivulgation en français est un contenu sexuellement explicite qui est publiquement partagé en ligne sans le consentement de la personne ou des personnes apparaissant sur le contenu, dans le but d’en faire une forme de vengeance pour porter préjudice.
D’ordinaire, les causes de cette pratique sont : un partenaire jaloux ou vicieux, un ex-partenaire, une petite amie jalouse, un hacker dont le but principal est de tirer pécuniairement profit…Mais les causes peuvent également être sociales. Au nombre de celles-ci, nous avons le sexisme, les stéréotypes du genre, la non-reconnaissance du droit à l’autonomie corporelle des femmes, qui constituent notre héritage Patriarcale.
Vengeance ou violence sexuelle ?
Si vous avez fait attention, depuis le début de cet article je mettais l’expression » Revenge porn » entre griffe juste pour montrer que c’est une expression biaisée.
Plusieurs arguments pourraient être utilisés pour vous montrer en quoi la divulgation d’une photo ou de la vidéo d’une personne sans son consentement n’est pas une Revenge et de surcroît un » Revenge porn » mais ceci fera l’objet d’un article une autre fois.
Ce qu’il faut retenir, c’est que cette expression détourne de l’objectif en mettant le coupable en situation de droit. Elle le déresponsabilise en le plaçant comme une victime dans son droit de punir une tierce personne qui l’aurait blessé. L’expression Revenge laisse croire que c’est chose normale de se venger d’une personne en divulguant ses données intimes sans son consentement et donc, glamourise et banalise cette pratique.
Le » Porn » sous-entend que les personnes présentes sur la photo ou la vidéo sont des acteurs ou actrices pornographiques consentant (e.s). Ce qui est un non-sens, car les victimes ne sont pas consentantes pour le partage de leur photo et vidéo et parfois même ces photos et vidéos sont prises à leur insu. Il faut bien faire la nuance entre être d’accord pour un acte sexuel et être d’accord à le mettre en ligne.
Il n’est pas rare de voir sous des commentaires de poste liés au » Revenge porn » des expressions comme : si elle ne voulait pas être étalée, elle n’avait qu’à ne pas coucher en se filmant. C’est une salope, elle aime ça. Elle n’avait qu’à ne pas se prendre en photo nue…
Ceci est la preuve palpable que nous vivons dans une société misogyne, truffée de stéréotypes et foncièrement patriarcale. La femme n’a donc pas de droit sur son corps. Corps souvent utilisé comme élément de pression et de domination sur elle.
Il faut entrer dans vos crânes que les gens ont le droit de disposer de leur corps comme bon leur semble et c’est valable pour les femmes. Elles peuvent traîner nue, tant que vous publiez une photo ou une vidéo d’elle sans leur consentement, c’est une violence.
De tout cela, il est ainsi facile d’affirmer que le » Revenge Porn » loin d’être un fait divers distrayant est une violence sexuelle.
Conséquences pour les victimes
Les femmes sont majoritairement touchées par ce phénomène social. Ceci se justifie par le fait que les hommes se sentent légitimes d’exercer sur elles un pouvoir quand il s’agit de leur corps. La société fixe pour les femmes des normes auxquelles elles devraient s’adapter au risque de subir des représailles.
Le rapport avec leur corps étant un sujet presque tabou, les exigences de la société font que les femmes ont plus de mal à supporter l’exposition médiatique que les hommes.
Comme conséquence directe et première, elles sont souvent rejetées par les gens de leur environnement proche. Elles sont blâmées de tous, y compris des inconnus. Elles se retrouvent en tête d’affiche de plusieurs sites et médias en quête de buzz. Ces images peuvent demeurer pour toujours sur Internet et servir d’objets de chantage contre elles. Beaucoup de femmes après avoir vu leur photo ou vidéo divulguées sont sujettes à des harcèlements continuels.
Elles perdent pour la plupart confiance en elles. D’autres sont vite gagnées par la dépression. En cas de manque de soutien, le suicide paraît comme seule solution pour certaines. Les images peuvent avoir des répercussions économiques, car les femmes étant jugées sévèrement par notre société, elles peuvent perdre leur emploi ou le soutien financier de leurs parents.
Que dit la loi béninoise ?
Selon la Loi n° 2017-20 portant code du numérique en République du Bénin, le fait de publier sur Internet par quelque voie que ce soit, le montage réalisé avec les paroles ou l’image d’une personne sans son consentement, s’il n’apparaît pas à l’évidence qu’il s’agit d’un montage ou s’il n’en est pas expressément fait mention, est puni de cinq (05) ans d’emprisonnement et de vingt-cinq millions (25 000 000) de FCFA d’amende.
Le » Revenge porn » entrant dans ces critères est donc considéré comme une infraction de droit commise en ligne et donc condamnable.
Toute personne qui divulgue les images, vidéos d’autrui sans son consentement commet de ce fait un délit punissable par la loi. Toutes les personnes qui contribuent à rendre virale en partageant sont soumises à la même peine.
Avant de cliquer sur envoyer, réfléchissez à deux fois.
Il serait difficile de donner une recette miracle pour nous protéger du » Revenge porn ». Toutefois, il serait préférable de faire attention à tout ce que nous filmons et partageons comme contenu intime sur les réseaux et à qui nous laissons nos téléphones. Le mieux serait de ne point laisser trainer des contenus intimes dans nos téléphones, ordinateur, appareils photo…
Il est impératif de protéger le contenu de votre téléphone, ordinateur en ne divulguant pas vos mots de passe. En cas de chantage, recourir immédiatement à la police.
Et si d’aventure, il vous arrivait d’être victime de » Revenge porn » ou de n’importe autre type de cyberviolences ne vous laissez point intimider. Rendez-vous à la police et ayez recours à des services compétents pour effacer le contenu des réseaux sociaux et faites vous suivre par des professionnels de santé mentale ou demandez un soutien à des proches de confiance.
Pour finir, je dois rappeler que l’expression « Revenge porn » doit être réévaluée pour enlever la présomption de culpabilité qu’elle fait porter aux victimes et responsabiliser les vrais coupables.
Ce n’est en aucun cas un fait divers de divertissement, c’est une violence sexuelle et chaque personne qui contribue à la pérennité du « Revenge Porn » d’une quelconque façon est coupable et doit être punie par la loi.
Aux victimes, je dirai : CE N’EST PAS VOTRE FAUTE. Ne laissez pas notre société vous faire croire le contraire. Protégez-vous et soyez en paix.
Super cette référence à la loi béninoise et ce rappel que celleux qui regardent et partagent sont aussi coupable/complices… Et pathétique sont ceux qui se livrent à ce genre de geste. Pathétiques celles et ceux qui leur trouvent des excuses parce qu’il ont de l’argent, qu’ils ont du talent ou qu’ils sont célèbres. ça en dit long sur la violence des hommes à l’égard des femmes qui ne veulent plus se contenter de leur médiocre personne
https://feminineafrique.wordpress.com/2021/11/06/et-si-on-unissait-nos-forces-pour-mettre-fin-au-revenge-porn-revengeporn/