Dossier Spécial Féminisme

Les féminismes africains : première partie

L’Afrique n’est pas incompatible avec le féminisme, cette information est aujourd’hui assez claire pour nous. Mais saviez-vous qu’il a existé et existe encore divers courants féministes sur le continent ? Tout comme les peuples occidentaux, l’Afrique a eu des vagues qui lui sont propres et ces dernières sont caractérisées par des pensées hétéroclites et variées.

L’Afrique compte en effet pas moins d’une dizaine de courants féministes différents ! Nous allons donc en apprendre un peu plus sur quelques-uns de ces courants dans ce premier article.

Petit contexte historique

Les courants féministes africains ont vu le jour aux lendemains des indépendances. Comme nous l’avons vu dans ce précédent article, les femmes se sont battues aux côtés des hommes afin de vaincre l’impérialisme colonial. Pourtant, ces dernières ont été mises à l’écart dans la gestion des pays postcoloniale.

Les hommes noirs n’ont pas voulu leur permettre d’occuper une place autre que celle où les colons les avaient mises. Se retrouvant pour la plupart coincées dans une hiérarchisation sociale qui ne leur convenait pas, elles ont décidé, en résonance avec les femmes du monde entier, de lutter pour leurs droits.

Ainsi, dès le début des années soixante, les africaines, dirigées par les intellectuelles qui ont pu avoir accès à une éducation supérieur ont commencé à théoriser le féminisme à la sauce continentale. C’est comme cela que sont nés les premiers courants féministes que nous allons découvrir aujourd’hui.

Le womanisme

Womaniste est à féministe ce que le violet est à la lavande, Alice Walker

Le Womanisme est un courant de pensée féministe qui vient tout droit des États-Unis. Il est né du manque d’intersectionnalité observé pendant la seconde vague du féminisme où les besoins des femmes de couleurs, et plus principalement des femmes noires n’étaient pas pris en compte.

Utilisé pour la première fois en 1979 par l’écrivaine Alice Walker, le womanisme veut raconter l’histoire et les réalités des femmes noires par elles-mêmes. Bien qu’il ne soit pas proprement africain, ce courant a su trouver un écho sur le continent.

Il a été utilisé pour donner une perspective africaine au féminisme. Le womanisme africain développé par des auteures comme, Clenora Hudson-Weems ou encore Chikwenye Okonjo Ogunyemi se démarque de celui afro-américain, car les femmes noires du continent ne subissent pas le racisme et n’ont pas vécu les affres de l’esclavage. En outre, Clenora Hudson-Weems a développé une sous branche de ce courant, qu’elle nomma africana afin de mieux apprécier la démarcation entre les expériences de vie.

Ce courant féministe vise une émancipation absolue de la femme noire du patriarcat et de la tradition qui soumet la femme, mais également des influences coloniales qui accentuent sa domination.

Dans son article, « Le womanisme et la dialectique d’être femme et noire dans les romans de Ken Bugul et Gisèle Hountondji », Mimiko BESTMAN Ajoke, démontre la présence du womanisme dans les œuvres de deux auteures africaines, Ken Bugul (Cendres et Braises) et Gisèle Hountondji (Une citronnelle dans la neige). Vous pourrez peut-être en lisant ces œuvres en apprendre plus sur ce courant féministe.

Le Stiwanisme

Molara Ogundipe-Leslie

La poétesse nigériane Molara Ogundipe-Leslie est celle à qui nous devons le stiwanisme. Venant du sigle STIWA qui signifie Social Transformation in Africa Including Women (Transformation sociale en Afrique incluant les femmes), le stiwanisme trouve la source de l’oppression féminine dans les structures laissées par les colonisateurs.

Selon Molara Ogundipe-Leslie, l’Afrique a besoin d’une transformation sociale qui déconstruirait la hiérarchisation des genres qui n’est autre qu’un héritage colonial. En effet, durant la colonisation, la société africaine est devenue extrêmement phallocentrée.

Toutefois, le stiwanisme se veut purement africain et opte pour une collaboration des hommes et femmes afin de créer la transformation sociale tant désirée. De ce fait, sa conceptrice montre une certaine rupture avec le white féminisme, surtout en raison des préjugés attachée au mot féminisme.

C’est intéressant de noter que les pensées de Thomas Sankara se retrouvent assez dans ce courant de pensées féministe.

Le maternisme

Catherine Obianuju Acholonu

Le maternisme fait appel au féminin sacré africain. Même si le nom renvoie à la mère, les hommes peuvent également être des maternistes. Développé par l’autrice et chercheuse Catherine Obianuju Acholonu, ce courant féministe est une théorie qui prend ses racines dans l’Afrique précoloniale et qui se base sur le respect de la terre, de la mère-nourricière.

Le maternisme voit l’homme et la femme comme deux entités complémentaires qui doivent œuvrer pour la survie de la planète. Ce courant se penche en outre sur les femmes rurales qui travaillent majoritairement dans le secteur agricole.

Il est intéressant de noter qu’il resurgit actuellement avec l’intérêt grandissant porté à la spiritualité africaine. L’auteure, essayiste et doctorante en histoire Natou Pedro Sakombi développe sa vision du maternisme dans une série de vidéos sur Youtube.

Le maternisme s’oppose au féminisme occidental, surtout dans sa vision complémentaire des genres.

Le Négo-féminisme

Le mot clé dans négo-féminisme est négociation. Ce courant de pensée vise l’émancipation de la femme africaine à travers la négociation et les compromis, notamment avec la culture.

Le négo-féminisme se retrouve dans bons nombres d’œuvres littéraires comme, selon la blogueuse et auteure Mrs Roots, Une si longue lettre de Mariama Bâ. Vous pourrez également en apprendre plus sur ce courant dans, Faat Kiné ou Mooladé de Sembéne Ousmane.

Il est intéressant de noter que presque tous les courants que nous avons vus (et même les suivants) mêlent le combat pour les droits des femmes au panafricanisme. L’histoire des femmes africaines a beaucoup été modifiée par la colonisation. Les sociétés africaines précoloniales étaient pour la plupart matrilinéaires. Les femmes avaient donc une place prépondérante qu’elles veulent récupérer. C’est surtout la façon de mener le combat qui crée cette diversité de courants.

L’article serait excessivement long si nous abordons tous les courants féministes africains aujourd’hui. Nous développerons donc les courants restants dans un prochain billet. En attendant, dites nous en commentaires ce que vous pensez de ces différents courants de pensée.

AGOODOJIE!

1 réflexion au sujet de “Les féminismes africains : première partie”

Laisser un commentaire