Homme Badass du Mois

Denis Mukwege: l’homme qui répare les femmes

Qui est il?

Denis Mukwege naît le 1er mars 1955 à Bukavu, dans le sud-Kivu, en République démocratique du Congo. Il fait partie d’une famille de pasteurs et devient lui-même pasteur chrétien évangélique de courant pentecôtiste.

Après ses études secondaires, il obtient un diplôme en biochimie en 1974 et s’inscrit à la faculté polytechnique de l’université de Kinshasa. Après deux années, il découvre sa voie et s’inscrit à la faculté de médecine du Burundi. Il obtient son diplôme de médecin en 1983 et exerce à l’hôpital Lemera au sud de Bukavu.

A cette époque déjà il est troublé par la fréquence des complications du post partum immédiat chez les jeunes mères. Il décide alors de se spécialiser en gynécologie-obstétrique en France, à Angers, grâce à une bourse. Il y exerce quelques temps, puis choisit de rentrer dans son pays, bien que bien rémunéré.

“En France, je n’avais jamais vu une femme mourir en donnant la vie. Je me suis dit que chez moi, où ça arrivait tous les jours, je pourrais être utile en offrant de meilleures conditions d’accouchement”

En 1989, il prend la direction de l’hôpital Lemera. Il se retrouve en première ligne lorsque la première guerre du Congo éclate 7 ans plus tard. Il échappe de justesse à la mort lors de la destruction de l’hôpital, alors qu’une grande partie du personnel et des patients succombe. Il se réfugie un temps au Kenya puis revient à nouveau au Congo pour fonder l’hôpital de Panzi, sur les rives du lac Kivu.

Initialement présent pour diminuer la mortalité maternelle et infantile, il est très vite confronté à la cruauté de la guerre à l’endroit des femmes. En effet, elles sont violées, souvent par plusieurs hommes, ou par des objets contondants, quel que soit leur âge. Des jeunes aux vieilles femmes, en passant par des bébés; et ce devant leurs maris, pères et enfants. Ces viols sont suivis de tortures concentrées sur l’appareil génital: les sexes sont lacérés, brûlés, détruits.

C’est là que commence réellement son combat.

Le combat d’une vie

Horrifié, il passe des années à réparer les organes génitaux de ces femmes violées et mutilées. Puis il se rend compte que cela ne suffit pas. Physiquement, elles arrivaient à guérir grâce à ses soins, mais elles restaient à tout jamais marquées, et détruites psychologiquement.

Particulièrement touché par l’histoire d’une patiente de 70 ans arrivée en 2002 à son hôpital, il décide de mettre en place un accompagnement psychologique en plus des soins de réparation physique.

Je lui avais demandé de revenir pour une consultation post-opératoire, et lors de celle-ci, elle m’a demandé pourquoi je l’avais soignée au lieu de la laisser mourir. Je lui ai répondu que ses proches avaient besoin d’elle, mais elle m’a répondu qu’elle refusait de retourner dans son village, qu’elle avait honte parce qu’elle avait été violée devant son beau-fils. J’avais réussi à la réparer physiquement, mais elle a refusé de boire, de manger et même de communiquer. Je suis triste de dire que cette patiente est décédée, mais j’ai eu envie d’agir pour apporter une aide psychologique, afin que ça ne se reproduise plus.

Ce fut un combat difficile, les psychologues cliniciens ne courant pas les rues au Kivu. Alors il se bat pour obtenir de l’aide à l’international et capte l’attention de Veronique de Keyser, Professeur émérite à la faculté de psychologie de l’Uliège. Grâce à elle naît La Chaire internationale sur « La violence faite aux femmes et aux filles dans les conflits » (en abrégé « Chaire Mukwege »).

Avec l’appui de tant de professionnels qualifiés, la prise en charge psychologique des femmes est désormais assurée pleinement à l’hôpital de Panzi.

Outre cet aspect, il assure une réinsertion de ces femmes dans la vie normale en leur permettant d’acquérir de nouvelles compétences. Aux jeunes filles il permet de retrouver les bancs de l’école. Une assistance juridique est aussi mise à disposition des victimes qui souhaitent réparation.

Pour lui la prise en charge de ces femmes et enfants doit être holistique. C’est à dire qu’elle doit tenir compte de tous les aspects: physique, psychologique, économique, social, et juridique. Elle doit permettre aux victimes et guérir et de retrouver une vie “normale”.

Dans sa lutte, il élève la voix pour dénoncer ces violences dans son pays et sur toutes les scènes internationales où il a la possibilité de parler. Infatigable, ce défenseur des droits des femmes tire l’opinion internationale en sa faveur mais dérange en RDC. Ouvertement il dénonce les crimes qui sont selon lui les conséquences de la mauvaise gouvernance du pays. Plusieurs fois menacé, il est victime d’une tentative d’assassinat dont il échappe de justesse en 2012. Depuis lors il est sous la protection des casques bleus de l’ONU.

Pourtant cela ne l’empêche pas de continuer son combat. “Chaque femme violée, je l’identifie à ma femme; chaque mère violée à ma mère et chaque enfant violé à mes enfants…

Distinctions honorifiques

Faisant entendre sa voix dans le monde entier, Dr Denis Mukwege reçut de nombreux prix pour sa détermination, son courage et son audace dans La Défense des droits des femmes.

En 2008, il reçut le prix Olof Palme et le prix des droits de l’homme des Nations unies. En 2009, le prix français des droits de l’homme, et se fait chevalier de l’Ordre national de la Légion d’honneur. La même année, il est élu Africain de l’année par une association de presse africaine.

En 2010, il obtient le prix Van Goedart aux Pays-Bas. En 2011 en Belgique, il reçoit trois prix : le prix Jean-Rey, le Prix Roi Baudouin et le prix de paix de la ville d’Ypres.

En 2013, il se voit décerner le grand prix de la fondation Chirac pour la prévention des conflits. Cette même année 2013, il reçoit le prix Nobel alternatif (prix Right Livelihood).

En 2014, il est fait docteur honoris causa de l’université catholique de Louvain et reçoit plusieurs prix: le Inamori Prize for Ethics 2014 (Japon-États-Unis), le prix Primo Levi (Italie), le prix Solidaris de l’hôpital Saint-Pierre de Bruxelles, la médaille de l’Académie royale des sciences d’outre-mer, et le prix Sakharov.

En 2016 il reçoit le prix “Héros pour l’Afrique”, le prix Renfields et le prix des quatre libertés. Il est élu cette année 35eme personnalité la plus influente du monde. En 2017 le prix Grand témoin et en 2018 le prix Nobel de la Paix lui sont décernés.

Il est docteur honoris causa de nombreuses universités du monde.

Denis Mukwege est un homme déterminé. Témoin de toutes les atrocités de la guerre, il a refusé de fuir et a choisi de se battre pour défendre les femmes victimes. Malgré les nombreuses menaces qui pèsent sur sa vie, il continue sa lutte. Parce que “les viols continuent, et il faut agir” Sa détermination à toutes épreuves est ce qui fait de dr Denis Mukwege notre homme badass du mois.

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