Entretien Avec

Gloria Laure ATTOLOU : quand la jeunesse féminine s’engage en politique

C’est dans un petit restaurant situé au cœur de Cotonou que j’ai eu l’honneur d’avoir une petite causerie avec une jeune femme remarquable. Les projecteurs sont braqués sur elle depuis ces quelques années où elle avance lentement, mais surement dans l’arène politique du Bénin. Élégante, forte, mais avec énormément de douceur se dégageant d’elle, Gloria Laure ATTOLOU nous a entretenus sur le thème des femmes en politique. Découvrons donc ensemble, la Maire des jeunes de Abomey-Calavi et la 2ᵉ Vice-Présidente chargée des relations avec les Institutions de l’Organisation Mairie des Jeunes.

Peux-tu te présenter s’il te plaît ?

Moi, c’est Gloria Laure ATTOLOU. Que puis-je dire de ma modeste personne ? Je suis consultante en communication politique et leadership féminin, je suis également conseillère en management des organismes à but non lucratif. Je suis une jeune fille qui fait son petit bonhomme de chemin dans la jungle politique. Au-delà de ça, je peux dire que j’ai eu une licence en Administration Générale et Territoriale obtenue à l’ENAM, et un master en science de gestion.

Comment s’est faite ton entrée dans la politique ?

Tout a commencé par un simple militantisme du côté de la société civile. Déjà depuis le premier cycle du secondaire, j’ai milité dans des associations de proximité en l’occurrence l’association de mon quartier et celle de la ville où j’étais.

La politique m’est venue par passion. Je m’y suis lancée depuis le second cycle du secondaire, mais je ne m’affichais pas encore sur la scène politique. Mon entrée dans ce domaine s’est faite par des associations de femmes. J’allais aux réunions, je les suivais et observais comment les choses se passaient. À l’époque, j’étais chargée de faire circuler les listes de présence.

 J’ai eu l’occasion de faire ma véritable apparition au monde lors des élections présidentielles de 2016. J’étais dans la cellule de communication rapprochée du candidat Sébastien ADJAVON, à l’époque, mais j’étais plus présente dans la zone d’Abomey-Calavi, du côté de la jeunesse. On a fait la campagne, on s’est retrouvé au second tour et l’on a dû se rabattre du côté du candidat Patrice Talon, qui a finalement remporté les élections.

En 2017 (août à septembre) j’étais la deuxième vice-présidente d’un mouvement de jeunes qui avait fait fureur à l’époque, il s’agissait d’« osons ensemble ». C’était assez compliqué, parce que j’étais beaucoup plus jeune, assez gamine et je venais de perdre mon père. Étant enfant unique, vous comprenez que ce n’est pas aisé pour ma mère de voir son enfant se lancer dans une jungle comme celle-là.

Quelles sont les ambitions politiques qui t’ont poussé à entrer en politique ? peux-tu les partager avec nous ? Ou préfères-tu nous laisser la surprise ?

Comme je l’ai dit, je suis entrée dans cette jungle par passion, mais j’avais également une vision claire et des objectifs assez précis. C’est surtout ça le plus important, parce que quand vous n’avez ni vision ni objectifs en vous lançant dans la politique, cela ne marchera pas. Il faut une vision à court, moyen et long terme, savoir ce qu’on cherche concrètement avant de s’y lancer.

Déjà en mettant les pieds dans la politique, j’avais des ambitions énormes que j’ai d’ailleurs maintenues. Vous savez, parfois on dit dans la vie que lorsque vos rêves, vos ambitions ne vous font pas peur à vous-mêmes c’est qu’elles sont pratiquement vaines. Et je peux dire que c’est peut-être un peu mon cas. J’avais pour ambition au début d’aller de façon graduelle afin que mon parcours laisse des traces.

Graduellement, mon rêve est de devenir député à l’Assemblée nationale, première femme ministre de la Défense du Bénin et pour finir première femme présidente de la République du Bénin.

Quelles difficultés as-tu rencontrées jusque là sur ton parcours ?

Les principales difficultés que j’ai rencontrées ont été par rapport à mon âge et à mon genre. J’étais assez jeune et le milieu politique est suffisamment hostile pour les femmes, mais il est pire pour les jeunes femmes. Comme on le dit, la politique à la base est une jungle. Ce n’est pas en principe un milieu pour les enfants, car les défis et enjeux sont vraiment énormes. Il s’agit des questions d’État et de la République, ce n’est pas aisé; surtout si l’on n’a pas les armes nécessaires, on tient difficilement.

Et quand on est une femme ou une jeune fille, c’est pire. Les deux principaux problèmes auxquels j’ai été confrontée étaient le harcèlement sexuel et sur le plan spirituel. Il est arrivé quelquefois où je me suis retrouvée dans des situations ou j’étais vraiment le dos au mur. Il peut arriver que vous rencontriez des personnalités qui ont des objectifs contraires aux vôtres. Et si vous n’avez pas une certaine dignité et des valeurs auxquelles vous tenez, il vous sera compliqué de vous en sortir.

L’autre aspect est le fait d’être confrontée à des rejets surtout quand vous commencez par le volet communal. Il y a des lieux en principe réservés spécialement aux hommes où vous serez amenée à aller. Pendant les campagnes par exemple, il peut arriver que vous deviez faire le tour des palais royaux et des autorités traditionnelles et religieuses. Il vous sera compliqué de tenir. On vous dira à certains endroits, « ici, les femmes n’entrent pas ». Et ce genre de choses vous freinent. Le stigmate est trop fort, davantage lorsqu’on est une femme. Parfois, vous pouvez être verrouillée ou bloquée dans le système si vous avez des altercations avec des personnalités.

Cela n’a pas été facile, mais comme je l’ai dit, quand on a des valeurs auxquelles on s’attache véritablement ça aide. Ainsi, on se prépare, on sait là où l’on va et les choses qu’on est prêt à faire pour atteindre ses objectifs.

Selon toi, qu’est-ce qu’une femme peut gagner à se lancer en politique ? En quoi est-ce important que les femmes se lancent en politique ?

Il n’y a pas que la politique. Je dis souvent qu’une femme doit déjà être une leader, quel que soit le domaine dans lequel elle évolue ou aspire. Il est important pour une femme de cultiver le leadership et cela passe par le militantisme qui peut démarrer par la société civile. Mais le problème aujourd’hui avec le système en Afrique et dans le monde est que la société civile est un bon début, mais ses actions ont des limites. Il faut se retrouver dans la sphère des décideurs. Et les vrais décideurs, ce sont les politiques.

Il est donc normal qu’une femme se retrouve dans cette sphère pour décider pour elle, pour sa progéniture et ensuite pour le monde entier. Lorsqu’on réalise des sondages, on se rend compte que les femmes contribuent énormément au développement de la nation partout dans le monde. Elles ont un pouvoir décisionnel et d’influence normalement très fort. Il faudrait qu’elles aient plus de poids.

Aujourd’hui, on mène un lourd combat contre les violences faites aux femmes. Mais comment voulez-vous que cette lutte aboutisse s’il n’y a pas assez de femmes là où sont votées ces lois ? C’est compliqué lorsque les concernées ne sont pas dans les lieux où l’on prend les plus grandes décisions. Si l’on prend par exemple la dernière loi sur l’avortement qui a fait couler beaucoup d’encre et de salive, le résultat aurait pu être différent si plus de femmes étaient dans les instances de décisions. Le procédé et le libellé de cette loi auraient pu être tout autre. Au vu de tout cela, il faudrait que des femmes entrent en politique. On n’a pas le choix.

Mais il faut toutefois que celles qui désirent opérer dans la sphère politique se fassent d’abord former afin d’éviter de commettre les mêmes erreurs que nos aînés. La femme politique est aujourd’hui très stigmatisée. Elle est assimilée à une personne aux mœurs légères. Et qu’on le veuille ou pas, tout ça est parti de la gestion de nos prédécesseuses. Beaucoup d’hommes ont du mal à s’engager émotionnellement avec des femmes politiques à cause de ce stigmate qu’il faut déconstruire.

Il est important qu’une femme entre en politique avec des objectifs, des valeurs bien définies, en principe la dignité et pour cela, une formation en leadership doit être de rigueur. Elle doit aussi avoir un background intellectuel et culturel assez chargé afin d’éviter de se faire utiliser.

Je ne travaille pas à être comme ces femmes, mais à être au-delà de ces femmes. Je pense qu’il ne faut pas juste aspirer à être comme ses modèles. Il faut prendre la peine de les étudier. C’est d’ailleurs un exercice que je prends plaisir à faire. De ces femmes qui m’inspirent, je détermine les forces et les faiblesses. J’ajoute leurs forces et expériences aux miennes et j’apprends de leurs faiblesses.

Gloria ATTOLOU

Quelles sont les femmes qui t’inspirent ?

Il y a une femme qui m’a toujours inspirée depuis mon bas âge. Quand j’étais petite, j’aimais beaucoup me cultiver et, Ellen JOHNSON SIRLEAF, ex-présidente du Liberia a déclenché quelque chose en moi. Elle m’a permis de comprendre qu’une femme peut accéder à un certain niveau de responsabilité, surtout si elle a un degré donné de sagesse et de valeurs auxquelles elle s’attache. Elle m’a énormément inspirée.

La fougue, la rage de réussir et le parcours intellectuel de Reckya MADOUGOU m’ont également séduite. Pour finir, ma mère constitue aussi une grande source d’inspiration pour moi. Elle est la base. C’est cette femme que j’ai vue se battre et me redonner espoir à chaque fois que ça n’allait pas.

Je ne travaille pas à être comme ces femmes, mais à être au-delà de ces femmes. Je pense qu’il ne faut pas juste aspirer à être comme ses modèles. Il faut prendre la peine de les étudier. C’est d’ailleurs un exercice que je prends plaisir à faire. De ces femmes qui m’inspirent, je détermine les forces et les faiblesses. J’ajoute leurs forces et expériences de vie aux miennes et j’apprends de leurs faiblesses.

Nous voilà donc à la fin de cet entretien. J’espère que comme moi, vous en êtes sortis enrichis. Nous l’avons dit, les Femmes et Hommes BADASS ne sont pas seulement des personnes au summum de la gloire. Ce sont des gens, comme vous et moi qui se battent pour leurs rêves et Gloria ATOLOU en est la preuve vivante.

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