Faits de Société

Télé-réalités : comment renforcent-elles le patriarcat ?

Les télé-réalités sont des programmes qui ne font pas toujours l’unanimité. Qu’on les aime ou pas, ces émissions font pourtant aujourd’hui partie intégrante de nos vies.

Si elles sont un moyen de distraction certain, les télé-réalités viennent avec leur lot d’imperfections. Elles sont un reflet de la société patriarcale et misogyne tout en alimentant les stéréotypes sexistes qu’on s’évertue à démanteler.

Depuis quelques années, les télé-réalités s’infiltrent en Afrique de l’Ouest. Je vous invite alors à découvrir avec moi comment ces programmes télévisuels font plus de mal à la société qu’on ne le pense.

Les télé-réalités renforcent les stéréotypes de genre

L’une des problématiques des télé-réalités réside dans le renforcement des stéréotypes de genres. Les femmes sont dépeintes comme matérialistes, obsédées par leur maquillage et doivent parfois même cacher qu’elles sont intelligentes.

Les hommes sont la caricature la plus stéréotypée du mâle alpha. Coureurs de jupons, musclés et généralement violents, ils manquent de dimension et sont toxiques envers les femmes.

L’essayiste féministe Valérie Rey-Robert, autrice du livre Télé-réalités : la fabrique à sexisme, expose d’ailleurs dans ce livre comment ces représentations encouragent et accentuent la perpétuation de ces stéréotypes. Elle démontre en outre, combien les candidates de ces programmes sont le plus adulées pour leurs capacités à entrer dans les rôles traditionnellement occupés par les femmes (mères, épouses), montrant ainsi aux petites filles le chemin qu’elles doivent prendre.

Cela s’exprime bien dans la télé-réalité béninoise Dis-moi qui est la plus belle, qui met littéralement des femmes en compétition pour déterminer laquelle est la plus représentative de la « femme africaine ». L’africaine est donc réduite à son habileté à effectuer le travail domestique non rémunéré, comme si ce travail était inhérent à sa nature de femme.

Comme stéréotype sexiste, les télé-réalités telles que Le bachelor enferment les femmes dans une sorte d’assujettissement au regard masculin. Une femme n’est complète que si elle est capable d’avoir un homme à ses côtés, à tout prix.

Les télé-réalités encouragent la rivalité féminine

Dans notre société patriarcale où la misogynie est aussi facilement exprimée que l’air est inspirée, la sororité est difficilement mise en avant. Nous avions discuté en long et en large dans un précédent article de la construction sociale de la rivalité féminine, mais pour la faire courte, les femmes sont, dès l’enfance, consciemment ou inconsciemment mises en compétition pour l’attention masculine.

Les télé-réalités se jouent et survivent grâce à ce type de dramas. On dirait qu’il n’y a rien de plus intéressant et amusant que de voir des femmes se battre pour un homme. Les téléspectateurs adorent les crêpages de chignon. Il suffit de voir l’engouement autour des tensions entre les candidates de la première édition du Bachelor Afrique francophone.

Même lorsqu’il ne s’agit pas de télé-réalités mixtes, les femmes sont encouragées à ne pas faire preuve de bienveillance les unes envers les autres. On a tous à un moment donné rigolé aux commentaires, souvent blessants, que les participantes de 4 Mariages pour une lune de Miel tiennent.

Montrer les femmes dans ce type de schéma avive dans les esprits la notion populaire qu’elles se détestent en réalité entre elles. Ce message est d’autant plus offensant qu’aujourd’hui la construction d’une sororité est primordiale pour la libération de la gent féminine. Ce stéréotype rend difficile la déconstruction de la misogynie intériorisée que nous avons malheureusement toutes à divers niveaux.

Les télé-réalités et le corps de la femme

Les critères de beauté sont une tare pour l’épanouissement et le bien-être de la femme. Il est difficile d’apprécier son corps quand partout on vous vend que vous devez le changer pour être appréciée. Les télé-réalités entretiennent les insécurités que nous pouvons avoir à propos de nos corps.

Il y a quelques années, j’ai écrit un article sur la vraie beauté africaine parce que lors de la première saison de Dis-moi qui est la plus belle, un juge a négativement noté une magnifique jeune femme parce qu’elle était mince et ne représentait pas la beauté à l’africaine. Ce qui est paradoxal puisque l’émission se vante de valoriser la diversité du continent.

Toujours dans cette émission, le corps des candidates est scruté et analysé de façon malaisante par les membres du jury. Je me souviens de cet épisode où une candidate nouvellement mère a été critiquée sans ménagement pour son ventre.

Cette année, pour la promotion de l’émission, nous avons eu droit à un teaser extrêmement dérangeant, mettant les pseudos réelles femmes africaines à l’opposition des autres jugées indignes. Le teaser tacle. Il est presque insultant, et l’émission qui se veut révolutionnaire utilise une voix masculine pour dicter aux femmes… ce que c’est qu’être une femme.

De l’autre côté de la mer, pendant environ 10 ans, la plastique des candidates était calquée sur les Kardashians. Aujourd’hui que les femmes de cette famille redeviennent minces, les critères vont clairement changer à nouveau, créant de nouveaux complexes au passage.

Les télé-réalités et la culture du viol

Comme nous l’avons vu plus haut, les candidats de télé-réalités sont enfermés dans des prismes particuliers. Les hommes doivent notamment faire montre d’une virilité excessive, quasiment caricaturale. Si vous vous souvenez bien de notre article sur la masculinité toxique, ce culte a pour conséquence d’entretenir les violences faites aux femmes. Ces comportements sont diffusés à heure de grande écoute sur les chaînes de télés et peuvent influencer négativement les jeunes avec des notions de consentement assez floues.

Les violences sexistes , lorsqu’elles surviennent dans ce milieu sont vite balayées du revers de la main. En raison de leur réputation, les gens accordent difficilement du crédit à ces femmes.

Que faire maintenant ?

Il serait assez facile de dire que nous devrions tous boycotter ces émissions. Je pense que quand ces schémas toxiques nous dérangent, il est difficile de suivre ce type de programme. L’une des solutions serait de plus mettre en avant des télé-réalités qui ne renforcent pas le patriarcat et qui sont consciemment engagées.

Il est impératif de ne pas laisser les enfants suivre ce type d’émissions si on ne peut pas leur expliquer ce qui ne va pas dans ce qu’ils regardent. Tout comme Blanche-Neige ou la Belle au Bois Dormant peuvent servir pour introduire une conversation sur le consentement avec les plus jeunes, les télé-réalités problématiques peuvent être utilisées à visée éducative.

Pour finir, il est impératif que les producteurs et réalisateurs fassent appel à des spécialistes du genre afin de déterminer si une émission à venir sera sexiste, misogyne ou pas. De l’autre côté de l’atlantique, des organes de presses ont pour fonction de réguler ces émissions. En avons-nous ? Que font-ils? Je finirai cet article sur ces interrogations.

Prenez soin de vous,

AGOODOJIE!

2 réflexions au sujet de “Télé-réalités : comment renforcent-elles le patriarcat ?”

Laisser un commentaire